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Sur la route de Compostelle - Camino Primitivo (2024) - Saint-Jacques-de-Compostelle : après les émotions, vers un retour à l'ordinaire

Nous sommes pèlerins pour l’éternité, et même une double éternité pour Adriana, qui est venue ici chercher une deuxième Compostelle. Et d’un coup, nous ne le sommes plus. La sensation de quitter la Place de l’Atelier, et de ressortir avec la Compostelle est étrange. J’ai le sentiment de basculer rapidement dans l’après, tout en sachant pourquoi et pour qui je suis encore là. Parfois j’aimerai arriver à Saint-Jacques et ne plus en partir. En septembre 2010, j’étais arrivé à La Corogne et j’avais déjà ressentie cette sensation de « ça y est, je suis arrivé, je reste ». Mais deux jours plus tard, il me faudra de nouveau rentrer.

Déposer tout ce paquetage qui m’a accompagné pendant trois semaines ou presque est désormais devenu une nécessité. Il n’y aura plus de sac à déposer à 8 heures du matin à l’accueil, plus de météo à regarder pour l’étape du lendemain, plus de profil à consulter. Je suis triste et libéré, soulagé et nostalgique, heureux d’être là et ému de devoir quitter deux amours dans deux jours, celui du sang et celui du sol. Cette sensation complètement antagonique ne me quittera qu’à Nîmes.

Adriana avait choisi l’Hostal México (!), pour ses prestations certes très bien adaptées à une fin de parcours, mais aussi et surtout pour sa proximité avec la gare ferroviaire. Car il fallait bien que nous n’en soyons pas trop éloignés, et il fallait bien aussi qu’elle puisse descendre, seule le mercredi matin tôt, le sac de transport qui avait lui aussi fait son Camino. Je ne ferai pas de rubrique particulière « La vie à l’auberge » pour cet hébergement certes commode, surtout par sa localisation géographique, mais dans lequel il n’y a précisément pas de vie : l’accueil est à l’étage, dans un immeuble quelconque du centre-ville moderne de Saint-Jacques, et tout est typé « seventies ». De plus, comme je l’avais déjà ressenti en avril à Saint-Sébastien sur le retour, nous sommes ici dans la ville, loin du chemin, loin des pèlerins, et l’hôtel est avant tout fait pour… se reposer ou dormir.

Nous allons retrouver la vie ailleurs et nous nous rendons au donc succulent restaurant O Sendeiro, au sud-est du centre historique, dans un quartier paisible. Je suis très reconnaissant à Adriana de ce cadeau savoureux et nous allons vraiment apprécier l’expérience, absolument irréprochable. Tout dans le lieu est impeccable, la réception, la présentation, la tenue des serveurs, le cadre et bien sûr le contenu de l’assiette. L’homme a été encore pèlerin dans la journée et a donc logiquement faim le soir, et le piège serait de dévorer les plats mais non, au cours de cette soirée parfaitement régulée, nous apprécierons autant la quantité que la qualité : croquetas chorizo / noix, plateau de quatre fromages et confiture, salade avec jamón ibérico, risotto ou plat combiné de pommes de terre et de viande et crème anglaise en dessert. Exquis. Je profite d’autant plus du moment que, pour une des rares fois de l’année, il ne s’agit pas seulement de satisfaire la faim mais d’y associer une grande part de plaisir.


Vers le quartier de la Cathédrale
Saint-Jacques-de-Compostelle - 14 octobre 2024 (Photo d'Adriana)

Il nous reste donc une journée en commun, avant que nous ne reprenions - le mardi pour moi et le mercredi pour Adriana - nos bagages pour le voyage retour. Comme celui-ci s’effectue sur un long trajet (en temps, il est incomparable en distance) ou que l’arrivée à la maison n’est pas pour tout de suite, nous effectuons notre tâche de pèlerin de lavage / séchage du linge, à l’extérieur de l’hôtel et en laverie pour pouvoir être plus indépendants. C’est à mon tour d’offrir une expérience gustative à Adriana, via Smartbox, et le restaurant Gaia Abrasador Medieval. Si celle-ci se révèle également intéressante, notamment dans son décor particulier, elle n’a rien à voir avec celle de la veille au soir et nous rapproche davantage de ce que nous avons souvent connu en chemin. Pour nous, ce qui importait le plus, c’était de donner de la valeur au temps que nous passions ensemble.

Nous poursuivons notre journée dans le centre historique, repassons une dernière fois devant la cathédrale, revoyons aussi par hasard Josh et Ronald, que nous avions connu sur le Camino, et Adriana fait même la connaissance fortuite de deux dames mexicaines qui connaissent ses propres parents ! Rencontrer des Mexicains sur Compostelle n’est pas fréquent, encore moins de Santiago de Querétaro… et faut-il encore avoir des liens en commun. Le chemin nous réservait encore une dernière surprise. Nous poursuivons un objectif différent, celui de ramener quelques petits souvenirs pour Adriana, et celui de ramener une montre pour moi, puisque dès le lendemain matin je serai sans repère temporel jusqu’à mon retour à la maison.

Adriana passe plutôt en repérage auprès des boutiques, bien sûr toutes orientées vers le chemin et à son effigie. On y trouve de tout : des livres, des tee-shirts, des tasses, des bornes kilométriques, des flèches, des porte-clés etc., mais pas de montre, alors après avoir visité quatre ou cinq établissements, je finir pas demander à un commerçant où je pourrais en trouver une. Et il m’indique une horlogerie qui se trouve dans la même rue. Mais en arrivant, celle-ci est fermée et au hasard du passage, je trouve mon « bonheur » dans une boutique moderne qui n’a rien à voir avec le chemin ! Dommage, j’aurais bien aimé concilier les deux : souvenir et praticité.

Nous nous accordons un dernier temps ensemble à déguster une glace au parque de Alameda (j’écris ces lignes tout début décembre !) car le soleil nous a accordé un dernier répit. Enfin d’autres souvenirs lointains me reviennent en mémoire. Nous essayons de faire durer le plaisir le plus longtemps possible avant que le soleil ne décline, que le froid n’arrive et que la nuit ne s’abatte sur nous une dernière fois avant de nous quitter le lendemain matin.

Par ici la suite ! Voyage retour (1ère partie)

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