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Sur la route de Compostelle - France / Espagne à pied (2024) - 5ème étape : Burguete - Zubiri (19 km)

Dans la chambre de Burguete, il y avait donc Jan, Peter, un Sud-coréen et un autre taïwanais. Si j’ai largement fait connaissance avec les deux premiers, je vais faire la connaissance du sud-coréen à 4 h 25 du matin, heure à laquelle il avait choisi de programmer son réveil sur son smartphone. Les chiffres ont l’avantage de conserver le même alphabet, le son a le désavantage d’être audible quel que soit l’alphabet, il ne nous en faut pas plus, à moi et à Jan, pour comprendre qu’il s’agit bel et bien d’un réveil. Jan explique calmement et fermement que ce n’est pas une heure raisonnable pour se réveiller et que le sud-coréen devrait éteindre son réveil, consigne à laquelle il se plie immédiatement. Mais, visiblement, il laisse le répétiteur en marche et le réveil, affublé d’une musique quelque peu pétaradante, revient à la charge toutes les cinq minutes. C’est suffisant pour le réveiller, et assez aussi pour me faire sortir définitivement de mon sommeil lourd. Je parviendrai à somnoler jusqu’au lever du jour où je constaterai la disparition définitive du sud-coréen.

L’avantage avec ce groupe, c’est qu’il vous laisse rapidement les lieux le matin. Enfin, je veux parler par là de la chambre et du bloc sanitaire. Parce que le transporteur n’est pas encore passé pour prendre les bagages du groupe, et que la cuisine est envahie pour un petit-déjeuner particulier : Jan verra l’un des membres du groupe déguster un concombre avec de la pâte à tartiner au chocolat. Je profite de l’espace laissé par l’affluence pour me préparer, et ce jour, je quitte l’auberge un peu plus tard que d’habitude, vers 8 h 45. Il ne reste d’ailleurs plus grand monde à l’intérieur et je sens que les travaux ménagers ne vont pas tarder.

Sous le soleil

Je pars sous le soleil. La veille, j’avais largement repéré les lieux et je sais qu’il y a deux chemins possibles, mais je vais suivre la flèche jaune la plus proche et partir donc juste à côté de la banque. Je réalise la vidéo de présentation du jour et je me fais dépasser par René, parti plus tôt de Roncevaux. Je ne le rattraperai pas sur cette étape. Il a retrouvé de bonnes jambes, sur cette partie globalement légèrement descendante, et en profité pour ranger dans le sac son grand triangle jaune d’avertissement. Il faut dire qu’il sera bien voyant aujourd’hui, d’autant plus que le nombre de pèlerins a augmenté, pour atteindre sa vitesse de croisière. Je poursuis mon chemin paisible, avec de tourner ensuite à gauche dans la forêt. Je ne suis pas inquiet ce matin, toutes les conditions sont réunies pour effectuer une belle étape.


Un départ dans la fraîcheur et sous le soleil
Burguete (Auritz) - 11 avril 2024

Au sortir de la forêt, j’aperçois un homme qui s’est accroché à un arbre, et qui fait signe aux pèlerins qu’il y aura un café au village suivant. C’est la belle aubaine. Je demanderai aux pèlerins en fin d’étape s’ils ont aussi vu cet homme à cet endroit, et ils me répondront que oui, ce qui me fait dire qu’il est là pour un bon moment, et peut-être que ce n’est pas la seule journée. Bénéficie-t-il d’une partie des recettes du café ? Nous ne le saurons pas. Si l’aspect commercial du Camino est maintenant clairement de mise, bien que nous ne soyons pas encore complètement sur le Camino francés mais plutôt sur le Camino navarro (chemin navarrais), je trouve cet épisode sympathique et les pèlerins sont souriants à son approche. Cela dit, il est impossible de manquer le café dans le village suivant, qui n’est autre qu’Espinal, celui où les trois vendéens que j’ai rencontré la veille ont dormi. Le lieu est impeccablement situé sur cette étape, suffisamment éloigné de Roncevaux pour que les marcheurs effectuent une première pause, et assez près de Zubiri pour que ceux qui n’ont pas pris de petit-déjeuner s’y arrêtent.

Quant à moi, ma stratégie est différente. Je ne me précipite pas au départ, mais veille à partir plus tôt en cas de chaleur, et « dépasse » tous les pèlerins qui s’arrêtent ensuite sur ce type d’endroits pour arriver à l’auberge en tête de file. Ceci d’autant plus que l’addition peut s’avérer salée à la fin de la journée, et que je préfère consacrer la majorité de mon budget alimentaire au petit-déjeuner emporté et surtout au repas du soir. Malgré tout, je ne m’interdis pas quelques pauses conviviales si nécessaire, pour profiter aussi de l’aspect « humain » que le chemin peut nous apporter à tous.

A partir de ce moment-là, je vais me laisser porter davantage par le chemin. La première partie de l’étape, avec un temps idéal pour marcher, et en solitaire, y est complètement propice. Le paysage est beau et je ressens que je quitte progressivement le plateau pyrénéen pour rentrer pleinement en Navarre. Mon esprit divague, je suis entouré de pèlerins mais la marche est assez silencieuse. Chacun va à son rythme, en petit groupe, et, peu attiré par les conversations, je repense davantage à la partie française que j’ai effectuée avec Karima. Je suis traversé par des émotions intenses, et c’est sur cette partie d’étape que me vient l’image de ce que je réaliserai, très simplement, sur la place de l’Obradoiro devant la cathédrale et le kilomètre zéro. Je sais que cette image peut encore bouger, donc je me garderai de la projeter ici par des mots.


Je quitte progressivement les Pyrénées
11 avril 2024

Deux rencontres improbables

Je dépasse l’Alto de Mezquiriz, visiblement un lieu couru par les cyclistes, et poursuis mon chemin dans ce décor alternant prés et forêts. Le chemin aborde maintenant le village de Bizkarreta. Le soleil commence à monter, la chaleur avec, même si elle n’est pas étouffante. Le chemin se tord, se corse un peu, il présente désormais un autre visage avec des montées et des descentes plus rapprochées, plus soutenues aussi. La chaussée devient pierreuse, elle convient davantage aux costauds. Je continue ma route, mais le besoin d’une première pause, celle de la première fatigue, commence à se faire sentir. Il y a encore un café là, et la tentation de s’arrêter pourrait l’emporter. Un pèlerin me dépasse. Son look ne passe pas inaperçu. Il a des longs cheveux gris, avec une barbe qui l’est tout autant, et porte fièrement sur son sac à dos deux drapeaux, à gauche celui de l’Argentine, et à droite celui, il me semble, du club de football de Boca Juniors. Comme il me dépasse, son allure est plus rapide, et malheureusement pour moi, je n’aurai jamais l’occasion de percer le mystère du deuxième drapeau, incapable de le rattraper. Encore aujourd’hui, j’ai cette image du drapeau dans mon esprit, mais je n’ai pas trouvé d’équivalent clair sur la toile. La seule fois que je le reverrai, c’est attablé à la terrasse d’un café, il me semble sur l’étape du lendemain, mais je n’oserai pas l’aborder pour lui poser la question. Pourtant, tout au long de ce périple, j’ai largement laissé ma réserve en France.

Trop occupé à poursuivre l’Argentin, mon esprit m’a donc amené à dépasser le village de Bizkarreta. De toute façon, il y avait trop de passage sur cette nationale 135 (toujours la même !) pour pouvoir y passer une pause paisible. Je poursuis donc mon chemin en pente ascendante et, en haut de la bosse, je remarque une autre pélerine. Celle-ci ne se distingue pas spécialement par son look, mais plutôt par son allure et son rythme de marche. Avec ma moyenne calculée de 20 kilomètres par jour, je fais plutôt partie des pèlerins lents, parce que j’ai choisi aussi de couper l’étape internationale en deux, ainsi que celle qui me conduira plus tard de Logroño à Nájera. Enfin, ceci est vrai sur l’intégralité du parcours, moins sur l’étape même puisque je parviens finalement à arriver assez tôt à l’auberge. Mais, rarement il est vrai, je tombe sur des pèlerins plus lents. Je rencontre donc Laura, une new-yorkaise, visiblement dans la quarantaine aussi, qui me dit directement qu’elle « marche très lentement ». Le personnage me touche immédiatement. Si je boîte depuis vingt ans, et qu’il s’agit là d’une raison de ma présence sur le chemin, Laura se dandine constamment. Elle n’a pas de point de chute mais ne s’inquiète pas outre mesure, puisqu’elle me dit qu’elle s’arrête dans une auberge lorsque la fatigue, ou l’épuisement, la saisit. Nous arrivons à Lintzoain et nous profitons d’un banc à l’ombre pour nous asseoir. Laura est heureuse d’être là, elle le dit et cela se ressent. Elle prend le chemin comme il vient, s’en nourrit et ne fait pas spécialement cas des autres pèlerins. Sa dentition est bien abîmée, rapidement je me rends compte que son visage est buriné par la vie. Je n’en saurai pas plus, et bien entendu, par principe, je laisse les pèlerins que je rencontre se livrer naturellement s’ils le désirent, sans chercher à creuser mon ressenti. Certains se livrent complètement, d’autres préfèrent demeurer tout en retenue. Je respecte la position quelle qu’elle soit. Nous nous quittons là, nous nous saluons poliment et je sais que, au rythme où nous allons tous les deux, il y a peu de chances que je la revoie.

Une descente mais une seule sente

Je quitte Lintzoain par une montée franche et je jette un dernier coup d’œil aux Pyrénées qui s’éloignent irrémédiablement. Honnêtement, j’ai bien envie qu’elles s’éloignent, que le chemin suive son cours et que je poursuive ma progression. Ce sera là le dernier point de vue net sur le col de Lepoeder, celui qui me rappelle la France et donc, toute la première partie du chemin. A partir de la fin de cette ascension, je vais rentrer dans la deuxième partie de l’étape et je ne vais plus aller à la rencontre de personne jusqu’à l’auberge de Zubiri. Non pas que je ne le souhaite pas, mais les occasions ne se présenteront pas. J’ai dépassé la moitié de l’étape et je rentre là dans une forêt plus sèche, plus chaude aussi (le soleil est haut désormais), plus basse en altitude et aux allures plus méditerranéennes. Hormis les pas des autres pèlerins, qui ne me quitteront pas, j’effectue toute cette partie en solitaire et cette fois, je suis davantage concentré sur le chemin qui commence à chauffer. Le spectacle est au bord du chemin, les premiers messages de témoignages et d’encouragement fleurissent sur les cairns (il y en aura encore quelques-uns jusqu’à Frómista) mais il y a aussi une tombe en la mémoire d’une personne décédée (un accident ?). Plus tard sur le chemin, je verrai deux croix marquant le souvenir de deux pèlerines décédées en chemin, si j’ai bonne mémoire une Japonaise puis une Italienne, toutes deux dans la soixantaine, avec la mention sobre « Fin de Camino » (« Fin du Chemin »). Parfois, il y a des messages laissés au mauvais endroit : je trouve déplacé, d’ailleurs au sens littéral du terme, de déposer des mots d’encouragement, des cœurs, des marques identitaires liées au pays d’origine, sur des « monuments » à la mémoire de personnes disparues. Une croix portera d’ailleurs cette mention : « s’il vous plaît, ne déposez pas de pierres ici ».


Panneau indiquant entre autres la direction de Zubiri, à 4 200 mètres,
en amont d'une périlleuse descente
Urkami - 11 avril 2024

Cette après-midi, les conditions ne sont pas réunies pour la méditation. Je commence bien à me demander, sur ces longues portions forestières sèches, où se trouve Zubiri. Comme avant Saint-Jean-Pied-de-Port, je guette la moindre trace du village. Je sais seulement qu’il faut descendre à l’arrivée, et je m’inquiète de la montée de la chaleur. A l’Alto de Erro, le chemin croise encore une fois la nationale 135. Mais il croise surtout un camion qui propose du café et de la bière, deux mots magiques pour notre clientèle internationale. Il fait beau, la petite terrasse est improvisée en bord de route, l’étape est bientôt terminée. Il n’en faut pas plus pour faire arrêter le pèlerin. Et moi, il n’en faut pas plus pour les distancer une fois de plus… mais pas pour longtemps. A partir de l’Alto de Erro, à quatre kilomètres de l’arrivée, commence la descente que j’avais repérée la veille pour préparer cette étape. Je sais que je suis un piètre descendeur, et mal à l’aise à cet endroit, je revois passer tous les pèlerins attablés quelques minutes plus tôt devant le fourgon. Les minutes défilent plus vite que les kilomètres, rendus ici au rang d’hectomètres ou de décamètres. Cette descente vers Zubiri constituera pour moi le passage le plus difficile des 387 kilomètres, le plus technique aussi, le plus lent. J’évalue alors ma vitesse à un kilomètre par heure tout au plus, et je dois faire face à une chaussée caillouteuse, incurvée vers le centre, avec un relief strié clairement visible. Les points d’appui se font rares, les bâtons sont précieux sur cette portion très délicate. J’échangerai à l’arrivée avec d’autres pèlerins qui considéreront tous cette partie comme difficile, y compris les plus rapides d’entre eux. Nous savons notre chance de passer aujourd’hui, et d’avoir évité là la pluie qui est tombée sur la montagne deux jours plus tôt, car le passage, très raviné, aurait même été dangereux.

Zubiri s’était montrée par moments par le haut, avec ses lotissements visiblement neufs, et son école. Je priais à ce moment-là pour arriver intact. Et je suis bien heureux de terminer la partie difficile, soulagé, mais remobilisé pour retrouver rapidement l’auberge dans le village de Zubiri, où vit « le peuple du pont ».

La vie à l’auberge : Ce soir, je vais dormir à l’Auberge Segunda Etapa. J’ai repéré qu’elle se trouvait le long de la route principale, toujours cette fameuse nationale 135 qui décidément ne veut pas se quitter. Mais le peuple du pont s’étire tout en longueur. Je passe le pont du peuple, sur la rivière Arga, et après quelques minutes de recherche moins compliquées que la veille, je localise l’auberge.

Vu l’heure davantage tardive, elle est bien ouverte et j’ai du mal à l’imaginer là, coincée dans un immeuble d’habitations sur plusieurs étages. L’accueil est impeccable, la réceptionniste me montre rapidement l’endroit pour déposer chaussures et bâtons, et se permet le luxe de porter mon sac sur deux étages, tout en se demandant comment je peux le porter tout au long de l’étape. La qualité de l’accueil, très disponible et très ouvert, tranche avec les lieux où je retrouve immédiatement la sensation d’étroitesse que j’avais aperçue de l’extérieur. L’auberge est serrée, bien conçue certes, assez moderne, mais tous les espaces sont contraignants. Cette fois, pour la première fois, c’est un lit superposé qui m’est affecté, et il n’y a pour le moment qu’une allemande, très sympathique au demeurant, qui y loge. Elle m’apprend qu’elle ne parle pas très bien anglais, mais nous parvenons tout de même à nous présenter. Le lit superposé présente deux inconvénients : il faut y grimper et y rester, et les barrières ne sont pas toujours disposées de telle manière à ce que vous vous imaginez tomber ; le deuxième, est que le pèlerin situé en bas dispose de l’espace de fait pour voir décharger son sac et étaler ses affaires. Nombreuses en effet sont les auberges où il nous est demandé de ne pas laisser son sac sur le matelas. Je dois donc trouver un espace, quelque part dans cette chambre où le métal domine, tellement les lits semblent s’enchevêtrer, pour étaler mes affaires. Mais tout au long de ce chemin, j’y parviendrai toujours avec calme.

Tout est petit. La cabine de douche aussi, et il n’y a que deux cabines et deux toilettes en tout et pour tout sur deux étages. Donc, la demande des pèlerins va s’intensifier. Il n’y a qu’une seule fenêtre et donne immédiatement sur la rue et les appartements d’en face. Je vais donc devoir être organisé pour le lavage du bonhomme et de son linge. Cette fois, je ne peux vraiment l’étendre que sur les barreaux du lit. A mon retour dans la chambre, d’autres pèlerins sont arrivés, mais je fais surtout la connaissance de Daniel, un Finlandais dans la quarantaine, parti pour effectuer tout le chemin jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle. Je procède à la réservation de l’auberge de Puente la Reina et, même si l’ambiance dans la chambre est tout à fait cordiale, l’heure avance, le soleil décline et il me tarde de partir à la fois à la découverte de ce fameux pont mais aussi de me restaurer. J’interroge une nouvelle fois la réceptionniste, qui ne va pas tarder à rentrer chez elle, et elle m’indique trois restaurants. En France, j’avais vu sur la carte une station-service comme seul magasin ouvert. Je la retrouve sans peine, sur le long de la route vers le nord, mais je n’y trouve pas à l’intérieur de quoi constituer un repas. Plus au nord encore, à la sortie de Zubiri en direction de la France, je relève bien la présence d’un des trois restaurants qui m’ont été indiqués. Mais je ne vois pas de pèlerin et l’ambiance sur les lieux ne m’invite pas à beaucoup de confiance. Je fais demi-tour, un peu dans le doute, et au vu de l’ambiance plus décontractée qui règne autour du gymnase, je décide de m’attabler là. C’est un bar-restaurant, j’ai déjà vu sur le menu et j’ai choisi mon menu à 15 €. Une grande salade variée, une sorte de steak-frites améliorée et un dessert feront l’affaire.

L’ambiance est détendue, je commence à retrouver l’Espagne, conviviale, chaleureuse, familiale, que je connais. Même si, contrairement à Saint-Jean-Pied-de-Port, je prends le repas seul, je suis soulagé de pouvoir me restaurer plus complètement que les jours précédents. A la fin du repas, arrivent trois françaises, basques, dont l’âge oscille probablement mais variablement autour de soixante-dix ans (encore !). Je les ai déjà vues plusieurs fois, sans doute sur le chemin, mais je ne me souviens plus où précisément. Je crois que c’est la troisième fois que je les rencontre aujourd’hui. J’étais arrivé à l’auberge, et les trois pèlerines étaient à la recherche d’un hébergement. Affichant complet au niveau des réservations, elles étaient reparties. Jo, la plus âgée, la plus enjouée aussi, s’était écriée que « le monsieur avait réservé », en parlant de moi à l’arrivée. Dans ce restaurant de Zubiri, au moment de nous saluer, Jo va me raconter son chemin, celui qu’elle pratique depuis longtemps, celui où il faut se débrouiller pour se loger lorsque le pèlerin n’en peut plus, quitte à dormir sur la paille près des bêtes où sous le préau de la chapelle qui abrite de la pluie et de la nuit. Celui où il faut laisser la clé à son voisin en partant et la récupérer au retour. Jo est encore dans cette tradition, et illuminée de soleil avec son accent du sud-ouest, nous fait passer un moment délicieux. Nous sommes là bien loin de la technologie des Sud-coréens en voyage organisé, que je retrouverai avec amusement le lendemain. Elle parle du temps qui passe, des traditions qui se perdent, de la modernité, de l’âge aussi et me renvoie rapidement à ma condition « de jeune », en me prenant par le bras. Et avant de nous quitter, elle trinque avec tous avec un bon verre de vin rouge, remercie la serveuse qui ne comprend pas un mot de français, rend grâce au moment présent et dit : « Nous sommes juste venues manger un petit truc (elle est quasiment passée l’autre côté du présentoir pour demander trois tortillas)… Nous devons repartir et rentrer chez nous (pour raisons de santé : le sac est trop lourd, les pieds font trop mal…) mais nous ne sommes pas heureuses là, à boire un verre entre nous, à trinquer ? »

Je quitte les lieux complètement ensoleillé. Une leçon de vie, de carpe diem. Je suis rempli, heureux. Il ne me reste plus qu’à retrouver une dernière fois le pont et la rivière et de profiter de l’instant, avant de rentrer à l’auberge. Le pont est un délice au coucher de soleil. De retour dans l’auberge, j’ai la surprise de retomber à la cuisine sur les trois vendéens qui logent ici aussi. Ils me font découvrir le jeu des petits cochons* (!) avec qui ils jouent avec tous les pèlerins dès que l’occasion s’en présente. Gabriel explique les règles et nous sommes partis pour une partie. Nous rions encore du moment présent. C’était donc là le thème de la journée : vivre le moment, tel qu’il se présente. Une belle leçon de vie du Camino.


Vue de Burguete (Auritz) sur la suite du parcours (Google Earth)


Vue de Lintzoain à Zubiri (Google Earth)


Vue de l'Alto de Erro à Zubiri (Google Earth)


Profil de l'étape : La descente est le mot d'ordre du jour. Le chemin débute sur le plateau d'altitude à Burguete, avant d'emprunter un parcours sinueux et vallonné à compter d'Espinal. Les variations se poursuivent jusqu'à l'Alto de Erro, et malgré deux sommets sur ce parcours (Alto de Mezquiriz et Alto de Erro), les différentes montées et descentes se font plutôt ressentir à l'entrée et à la sortie des villages intermédiaires, qui font sortir le chemin de la forêt ou de la campagne en le rapprochant régulièrement de la route principale. La descente vers Zubiri, qui se devine en contrebas sur les deux derniers kilomètres, est difficile, rocailleuse, étroite, concave, striée, et pouvant être dangereuse à vélo ou par temps de pluie.




René le Californien est déjà parti


Les Pyrénées sont derrière moi


Zubiri se rapproche, la descente est enfin terminée...


Le Pont de la Rage à Zubiri, au crépuscule

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