Sur la route de Compostelle - France / Espagne à pied (2024) - 6ème étape : Zubiri - Pampelune (20 km)
Voilà une semaine que je suis parti de Riom. Je suis maintenant bien rentré sur ce chemin, version internationale. L’étape du jour, qui arrive à Pampelune, va marquer pour moi l’occasion de faire le point sur ce début de parcours et pour les pèlerins, c’est le temps d’une première dispersion. Certains rentrent chez eux, d’autres s’arrêtent un temps, de nouveaux arrivent à partir de là. Ce sera vrai dans chaque ville principale de ce périple, services, population, distractions, moyens de transport oblige.
Le réveil s’est déroulé paisiblement, le petit-déjeuner pris à l’auberge aussi. Ce matin, je ne traîne pas au départ, parce que la chaleur est annoncée montante, assez intense, et le fait d’arriver dans une grande ville en début de week-end ne me réjouit pas côté météo. Je pars donc au lever du jour, une bonne option compte tenu du parcours à venir. Je pars seul, comme souvent, et je retrouve le Pont de la Rage sur lequel je suis passé hier. Le repérage a eu du bon. Je dois toutefois attendre le passage des Sud-coréens (je pense encore qu’il s’agit de taïwanais) puisqu’ils utilisent le pont comme une répétition générale… pour saluer les personnes. Je ne comprends rien au coréen mais les gestes et les positions des personnes présentes ici sont sans équivoque. Il y a là un guide, celui qui va mener le groupe, composé exclusivement de femmes aux sacs légers et… le groupe. Ils sont disposés en deux colonnes juste avant de passer le pont. Je suis le premier à passer et j’ai droit à un « Buenos días » collégial, sans fausse note, ce qui me met en joie au départ. L’autre expression apprise sera « Buen Camino », plus difficile visiblement à prononcer pour certains (cf. l’étape de Logroño à Navarrete plus tard). « Buen Camino » sera aussi largement utilisé en sud-coréen pour traduire poliment « Fous-moi la paix » au passage, et je ne serai pas le seul pèlerin à le remarquer. Je vais retrouver ce petit groupe de femmes d’âges très variables tout au long de la journée ou presque (sauf à Pampelune un temps), avec un guide à l’avant et à l’arrière, munis d’une sorte de talkie-walkie (!), dans une démarche quasiment militaire, avec des haltes régulières imposées pour… tout ce qu’il est possible d’imaginer, en tout cas prendre des photos, notamment des panneaux en tous genres (!). Dans le doute, je finis par demander à l’une d’entre elles de quel pays est proviennent et je finis par définitivement me corriger, il s’agit bien de la Corée, et comme elle l’a vivement précisé, de la Corée du Sud. Je savais déjà qu’il fallait plus que la Nive d’Arnéguy pour traverser cette frontière avec le voisin du nord.
Le Camino quitte Zubiri immédiatement après le Pont de la Rage pour dominer sur le versant est la route nationale 135 (encore !). Le début de l’étape s’effectue fraîchement mais je suis rapidement confronté à un revêtement en galets (je suis près de la rivière) et je me dis que, si le parcours est d’une durée moyenne et globalement descendant, comme la veille, il va falloir que je sois encore vigilant quant à la chaussée. Je rejoins une vaste zone industrielle, au travail (nous ne sommes que vendredi), qui semble s’étirer complètement le long de la vallée et de la route qui mène jusqu’à Pampelune. Le chemin embrasse cette zone sans complètement y pénétrer. Le bruit dominant est donc celui d’un ronronnement industriel. Un panneau m’informe qu’il s’agit là d’une usine de magnésite très ancienne, toujours en activité (la Zone Industrielle de Magnésite de Navarre), et de l’usage qui est fait de ce minéral. Je mets un temps à vérifier mon sac sur place et surtout je cherche à le rééquilibrer, parce qu’avec les kilomètres, la structure que j’ai constituée à l’intérieur a tendance à bouger. Ce passage, de quelques minutes, fait que je suis régulièrement dépassé par d’autres pèlerins.
Un début d'étape près de l'usine de magnésite
Zubiri - 12 avril 2024
Aujourd’hui, les pèlerins font le chemin
Le chemin passe ensuite le hameau d’Illaratz avant de rejoindre le village de Larrasoaña, plus important, mais qu’il délaisse sur sa droite. Les deux abritent respectivement une et plusieurs auberges. Pour moi, sous le soleil qui commence progressivement à monter, je marque une première pause « fraîcheur » ici. J’entends les pèlerins passer, m’interroge sur ce village indiqué sur les panneaux (en raison de la présence d’auberges), observe un monsieur méditer en bordure de rivière et m’interroge sur les nationalités rencontrées jusque-là. Il y a beaucoup d’européens, d’asiatiques, d’américains et d’australiens. Mais je n’ai pas rencontré de personne de couleur jusque-là. Tout juste ai-je le temps de la réflexion et de repartir sur le chemin que celui-ci m’apporte un démenti immédiat : une athlète, qui n’est pas sans me rappeler les Kenyans en athlétisme, déboule avec une coquille et un bâton de bois et dépose les autres pèlerins juste à la sortie du village. Le lendemain matin, la sortie d’une Jamaïcaine sous mes yeux en apportera un deuxième.
Ce jour-là, le « spectacle » est apporté par les pèlerins plus que par le chemin. Il faut bien l’avouer, ce n’est pas l’étape où j’en prend plein les mirettes, en tout cas sur sa première partie. L’enfilade de villages moins typiques et authentiques – en apparence - dans cette vallée de l’Arga, qui succède à la zone industrielle, ajoutée au bruit discret mais incessant du passage des véhicules sur la route nationale n’est pas pour rendre cette étape mémorable du point de vue des paysages. Donc je vais observer la vie du chemin plus près. A l’Argentin affublé de ces deux drapeaux succède un autre pèlerin avec un autre drapeau fièrement posé sur le côté gauche du sac (j’apprendrai plus tard qu’il s’agit du drapeau de Taïwan). Je me dis alors que le Camino est aussi une affaire de tenues, et que chacun le fait bien à sa manière. Epreuve s’il en est, physique bien sûr, mentale aussi, d’endurance surtout, le chemin de Compostelle est gratuit, est ouvert à tous et en toutes saisons (à l’exception de la Route Napoléon, fermée entre Saint-Jean-Pied-de-Port et Roncevaux de début novembre à fin mars) et accueille donc le monde comme il est. Jeunes et jeunes depuis plus longtemps, petits et grands, maigres et forts, beaux et moins beaux, d’ici et d’ailleurs, heureux et moins heureux, rapides et moins véloces ; tous se côtoient ici sur ce passage millénaire. Vie et couleurs se mélangent souvent paisiblement et harmonieusement. Je serai étonné d’après, beaucoup plus tard sur la meseta, qu’une pèlerine française est rentrée chez elle par ennui. Je ne m’ennuie jamais ici, car tout est toujours variable et extraordinairement vivant : même dans les paysages visiblement figés, il se passe toujours quelque chose, si ce n’est dans le corps et dans l’esprit.
J’ai aperçu une dernière fois Laura, que j’avais rencontrée la veille et surtout, je rejoins Daniel (ou l’inverse), le Finlandais, bien après être passé à Larrasoaña. Nous étions compagnons de chambrée à Zubiri. Daniel est parti seul sur le chemin et a pour projet d’aller jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle. Ce qui est drôle, c’est qu’il a laissé sa femme en Finlande, mais qu’elle s’occupe à distance de certains aspects logistiques, porté davantage sur le chemin en lui-même plutôt que sur la deuxième vie liée à l’alimentation et à la réservation des auberges. Si j’ai bien compris, son épouse souhaiterait aussi réaliser le chemin plus tard, en solitaire, et Daniel est en quelque sorte là « en éclaireur » mais aussi pour un défi personnel. Là aussi, si elle est a été courte, c’est une des belles rencontres que j’ai effectuées sur ce chemin. Daniel va rester deux jours à Pampelune et rejoindre un ami dans la grande ville, capitale de la communauté forale de Navarre, pour y fêter son cinquantième anniversaire dignement. Je sais donc que, sauf pépin, je ne le reverrai plus sur le parcours puisque nos programmes sont à peu près comparables.
Je décroche de l’aspect visuel du chemin pour partager un bon tronçon avec lui. Nous évoquons le sujet de la Covid-19, puisqu’à sa demande il souhaitait savoir comment il avait été vécu en France. Et nous en sommes arrivés au même point du bilan et de la méconnaissance de la maladie au moment où les décisions avaient été prises. Puis, nous avons parlé de la maladie de Parkinson, thème connu dans nos familles respectives, puisque sa mère en était souffrante, et surtout de la prise en charge de la maladie et comment il était possible de vivre avec. Là aussi, je ne le sais pas encore, le chemin me réservera plus tard à ce sujet une rencontre éphémère mais émouvante. Après avoir parcouru une forêt rafraîchissante, Daniel s’arrête à Zuriain pour prendre un café. La discussion que nous avons est intéressante mais au vu de la file d’attente de pèlerins pour rentrer dans l’établissement (nous n’en avons pas encore rencontré en route !) et de la chaleur qui se fait bien ressentir maintenant, j’indique à Daniel que je préfère poursuivre mon chemin en solitaire. Nous nous saluons donc là et nous nous souhaitons « Bon Chemin ».
Le chemin en surplomb de la rivière Arga et la sierra del Perdón en arrière plan
12 avril 2024
Le chemin suit un temps la route nationale 135 avant de la quitter et de virer sur la gauche en direction d’Irotz. Il prend un peu de hauteur, se rétrécit et il est désormais difficile, en surplomb, de se croiser ou de se laisser dépasser. Je marque une courte pause, pour essayer de me repérer dans cette étape. J’aperçois les premiers lotissements de la banlieue de Pampelune, construits loin de la ville, ce qui ne me surprend pas en Espagne. Ils ont l’air neufs, mais peut-être sont-ils les témoins de la bulle spéculative du début des années 2000 ? En tout cas, sur ce flanc de montagne écrasé de soleil, si lumineux, il ne semble pas y avoir d’activité. Je devine le bassin de Pampelune et la fin de l’étape, puis observe avec curiosité les montagnes qui se dressent au fond, en m’imaginant (à juste titre), qu’il s’agit là de mon parcours du lendemain. Je savais que le franchissement des Pyrénées ne constituait pas le seul point montagneux du parcours, et pour connaître le pays, cela ne me surprenait guère.
Lost but not least
Seul, je poursuis ma route, dépasse le hameau d’Arleta pour quitter la vallée de l’Arga et cette route nationale qui m’accompagnait depuis plusieurs jours. Je suis proche d’une route principale, de nouveau, mais je sens que je suis cette fois dans la banlieue, bien qu’à l’ombre d’une colline boisée. A ce stade de l’étape, ce dernier point de fraîcheur est le bienvenu. J’arrive au bord d’un nouveau pont, médiéval, sur la rivière Ulzama et je prends vraiment une pause pour me restaurer et enlever les chaussures. Je ressens de la fatigue, légitime, et me retrouve dans un environnement propice aux joggers. D’autres en profitent pour se balader, sortir leur chien (ou le chien en profite pour sortir son maître). Je passe le pont et je rentre dans le village d’Arre. Du moins, c’est ce que je pense à ce moment-là. Je ne me suis pas trompé de route, mais je n’ai pas compris que je rentrais vraiment en ville. C’est la première fois depuis le départ. Je retrouve une ambiance citadine, que je n’avais pas connu en Espagne depuis des années, avec des services à tous les coins de rue, des grands bâtiments. Je savoure le moment, d’autant qu’à cette heure-ci l’ambiance est calme. Je sors d’Arre (un peu plus de 1 000 habitants) et rentre ensuite dans Burlada (près de 10 000 habitants), sans qu’il n’y ait vraiment de distinction entre les deux (c’est un peu comme passer de Lyon à Villeurbanne par exemple). La dimension urbaine se fait davantage sentir encore, mais contrairement à Arre, la trace du chemin devient plus confuse et je finis irrémédiablement par en perdre sa trace à un carrefour. Je ne m’inquiète pas pour autant, me dit que si le chemin est plus difficile à trouver, c’est en ville, et me retrouve bien seul dans cet environnement où je dois davantage ouvrir les yeux. Parce qu’en dehors du chemin, le pèlerin ne passe pas inaperçu. De toutes les conversations que j’ai pu avoir par la suite, je serai le seul à m’être perdu à cet endroit-là.
Pont sur la rivière Ulzama, affluent de l'Arga, à Trinidad de Arre
Arre - 12 avril 2024
Perdu est bien relatif. Je n’ai pas vraiment envie de déclencher mon GPS, ni de demander ma route au premier passant venu. J’imagine déjà les nombreux changements à opérer pour en retrouver la trace. Je cherche mon salut à un espace plus ouvert, c’est-à-dire une sorte de clairière urbaine dans cet espace pas laid mais assez impersonnel, fait de bâtiments de plusieurs étages, de parkings, de petites places, mais sans indication claire. Après m’être perdu en tournant à droite, j’essaie de retrouver le sens du chemin en tournant à gauche dès que possible. Je m’avance et tombe sur un rond-point où il y a manifestement du passage. Mon salut vient de la vision lointaine de la cathédrale de Pampelune. Comme je sais que l’auberge que j’ai réservée est à proximité, je n’ai qu’à suivre, autant que faire se peut, ce signal monumental au loin (je l’estime quand même à plus d’un kilomètre).
Je suis un chemin sinueux, tracé à travers un pré qui sépare curieusement Burlada de la ville de Pampelune. Le chemin ne va pas complètement dans la direction de la cathédrale même s’il va vaguement vers l’ouest (en écrivant ces lignes, j’ai découvert que ce chemin partait vers le nord-ouest alors que la cathédrale se trouvait au sud-ouest de ma position). Je suis davantage inquiet par le débouché de ce chemin (vais-je vers un no man’s land douteux ?) que par son orientation. Je progresse, croise quelques rares personnes en sens inverse et débouche heureusement sur une école ou un collège, donc une zone que j’estime sécurisée. J’ai toujours la cathédrale en ligne de mire, maintiens le cap d’autant que je sais être rentré dans la ville. Je ne dévie pas de ma route, poursuis dans la bonne direction et je rentre dans un joli parc, que je quitte en ligne droite avec le monument principal en face.
A ce moment-là, je croise une dame âgée de quatre-vingt- treize ans. Elle vient à ma rencontre. S’en suit un quasi monologue d’un quart d’heure environ, où je ne l’interromps pas par respect. Elle souhaite visiblement… parler et la présence de pèlerins, donc des personnages extraordinaires, est une aubaine pour elle. C’est en tout cas ce que je ressens. Elle est veuve, ce qui pourrait confirmer mon impression. Cette dame me demande mon pays d’origine et j’ai ensuite droit à un concert d’éloges sur Paris (!) et la vie parisienne, ce que j’ai du mal à comprendre. Je finis par me projeter dans l’époque qu’elle me détaille, c’est-à-dire les années soixante, où elle était accueillie comme servante dans une famille parisienne des plus aimantes, où elle avait droit à toutes les attentions, et où elle logeait avec bonheur dans un endroit plus romantique qu’une chambre de bonne. Cette dame m’explique qu’elle avait eu droit ensuite à un survol de la capitale, et que si elle n’avait pas eu d’obligations navarraises, elle serait bien restée parisienne. Revenu à l’instant présent, elle me conseille de me désaltérer à la fontaine magique, que je vais trouver près du pont un peu plus loin, pont sur la rivière Arga que j’avais quittée un peu auparavant. Plus tard, je saurai qu’effectivement je n’avais pas été le premier pèlerin interpellé ce jour-là, ce qui confirmait les dires de la dame âgée, et qu’elle avait déjà raconté son histoire parisienne…
Curieux, et d’autant plus qu’elle se trouve sur mon chemin, je pars donc en quête de la fontaine magique, qui n’est pas une fontaine de jouvence mais qui permet d’atteindre, de marcher, de raconter des histoires, à 93 ans passés. Je la retrouve sans peine, bien aidé en cela par un groupe de coréennes (!), dont la dernière s’attarde à prendre en photo la fontaine qui délivre son eau si précieuse. Une fois partie, je m’empresse de la goûter et effectivement, sous 27°C, elle est douce et rafraîchissante. Ragaillardi par cette pause courte mais improvisée, je quitte cet espace de verdure et part à l’assaut du centre historique. Dans les premières pentes, je retrouve là Peter, le Taïwanais que j’avais connu à Burguete, mais nous n’avons pas le même programme pour la fin de journée et pour la nuit. Nous effectuons quelques hectomètres ensemble, avant de nous souhaiter une bonne fin de journée. Je pense alors le revoir quelque part dans Pampelune à un moment donné (les pèlerins ne s’éloignent jamais trop de leur auberge une fois l’étape achevée) mais nos retrouvailles ne seront que partie remise à un jour ultérieur.
La vie à l’auberge : Mon objectif est d’atteindre l’auberge Jesús y María, qui avec un nom pareil, se situe à proximité de la cathédrale. C’est tout ce que je sais à ce moment-là, tout comme je sais qu’elle est grande et peut accueillir jusqu’à 112 pèlerins. L’heure avance, le soleil chauffe, le monde commence à remplir les tavernes et terrasses du centre historique. Pour le moment, je me concentre sur ce que je vois et par chance, l’auberge est indiquée par des panneaux destinés aux piétons et aux pèlerins. Je suis la trace, effectue quelques menus repérages (surtout ce jour sur les banques) et, après quelques rues passées, finit par repérer la façade que j’avais vue en préparation. Je rentre et ressent immédiatement la grandeur des lieux. Pourtant, un mur sépare clairement la réception du reste de l’auberge.
Je ne suis pas le premier dans la file mais je passe assez rapidement. Je dois régler les formalités d’accueil de l’autre côté d’un pupitre dont une vitre me sépare du réceptionniste, ce que je n’apprécie jamais, même en France, à cause du son de la voix qui se perd quelque part dans l’espace au lieu de se diriger vers l’oreille de mon interlocuteur. Dans l’intervalle, je reconnais les trois vendéens qui arrivent quelques minutes après et je savais depuis la veille que nous allions loger au même endroit. Un lit m’est affecté, avec un étage et un numéro. Je reçois des explications sommaires sur l’endroit et part à la découverte du site, complètement baroque.
Il y a déjà beaucoup de monde ici, et dans cette auberge qui est en fait une ancienne église complètement réaménagée, le son résonne assez fort dans l’espace, surtout au rez-de-chaussée. Je découvre la file de lits métalliques superposés et je dois monter d’un étage. J’arrive finalement à la litera (couchette) qui m’a été affectée (comme souvent, un drap-housse et une taie d’oreiller jetables me sont remis). Elle se situe encore en haut. Je suis fatigué par l’étape, surtout par la chaleur, et à la vue de l’espace encore réduit, comme la veille, je me pose des questions. Heureusement, je me rends compte que je suis prêt d’un espace de passage assez large et, le temps de me poser, de faire retomber la chaleur interne et de réfléchir à l’endroit où je vais laisser le sac, les trois vendéens apparaissent et disposent d’un espace somme tout assez vaste dans ce passage entre les deux couloirs. Je sens que je peux leur faire confiance, je vais profiter de l’espace pour m’organiser et y laisser mes affaires à proximité.
Je ressors peu à peu de ma bulle (du monde à l’extérieur, du monde à l’intérieur) et je pars à la découverte des douches (tout au fond, de l’autre côté). Même si l’espace aménagé pour les dortoirs sent un peu le moderne, surtout côté cloisons et boiseries, les douches sont rustiques et l’eau qui sort du pommeau a une fraîcheur variable. Avec un flot continu de pèlerins qui rentrent, la demande pour l’eau est pressante mais je ne m’affole pas, fait attention à mes affaires et en profite pour laver le linge que je vais étendre, évidemment, sur le lit superposé. Le lit dispose d’une prise et d’une lumière, mais je n’ai pas le cœur à m’allonger pour le moment et je préfère utiliser une prise disponible dans l’espace de passage pour m’occuper de la réservation de l’auberge d’Estella.
Nous arrivons progressivement à 17 h 45. Un petit panneau manuscrit informe les pèlerins en chemin que l’auberge est déjà complète (!). Je pars en quête d’une banque, ouverte (au cas où le distributeur aurait faim et avalerait ma carte bancaire) et je finis par la trouver sur la Plaza Mayor de la ville. Je veille à toujours disposer d’argent liquide sur moi – environ cinquante euros – car les auberges municipales acceptent très rarement un paiement autre qu’en espèces et que c’est également le cas dans certains magasins. Je trouve ensuite rapidement le marché principal de la vieille ville, qui est fermé à cette heure-ci, mais dont le supermarché est ouvert et je vais mes emplettes pour le soir tout en veillant à ce que je dispose toujours d’un petit-déjeuner disponible, et, compte tenu de la configuration des lieux, de la ville et du temps annoncé pour le lendemain, il est préférable de le prendre sur place. De retour, je découvre le côté commercial de l’Encierro, car certaines boutiques proposent de se prendre en photo avec le passage des taureaux pour 10 euros. Pampelune dispose d’une réputation mondiale pour les San Fermines, et j’étais toujours curieux de voir comment ces bêtes pouvaient partir à l’assaut de ceux qui les défiaient. En passant dans le centre historique, j’en avais maintenant une vision plus claire. Pour moi, il n’était pas question de partir à la découverte de la ville, d’autant plus sous le soleil, même si les rues étroites avec des bâtiments de plusieurs étages protégeaient toujours le passant, le piéton, le pèlerin, des rayons mordants de l’astre au moins pour partie. Mais tout de même de ressentir un peu l’âme des lieux avant de le quitter au petit matin.
Je rentre donc à l’auberge et attend que les coréens libèrent la (petite et unique) cuisine pour occuper les lieux à mon tour. Pour la première fois, j’ai la sensation de trop. Il y a trop de pèlerins ici et trop de bruit résonnant pour effectuer quelconque rencontre, en tout cas la configuration du dortoir le limite considérablement. Je vais donc rester dans ma bulle, converser avec les trois vendéens sur le reste du parcours. Ils en profitent d’ailleurs à m’inviter à partager leur petit-déjeuner le lendemain. Assez tôt sans doute, peut-être avant 21 heures, je rejoins mon lit et m’aperçois que mon voisin dort déjà paisiblement, ou fait peut-être semblant. Je le reconnaîtrai deux jours plus tard, à l’auberge de Los Arcos, et je découvrirai alors simplement un jeune Ecossais du prénom de Charly.
Vallée de l'Arga, de Zubiri à Pampelune (Google Earth)
Vue de Pampelune à Mont-de-Marsan, là où j'ai repris le chemin de Compostelle à pied (Google Earth)
Profil de l'étape : L'étape est globalement descendante, en suivant le lit de la rivière Arga, et la nationale 135, parfois à proximité de la rivière, parfois en surplomb. Elle ne présente pas de difficulté particulière, mais, à la sortie des Pyrénées et avant d'affronter l'Alto del Perdón le lendemain, elle nécessite tout de même une bonne condition physique. En effet, les montées et descentes sont assez nombreuses pour une étape en fond de vallée et il est nécessaire de conserver de l'énergie jusqu'à l'arrivée puisque le centre historique de Pampelune est légèrement plus élevé que le reste de la ville plus moderne. L'étape, peu boisée, peut être aussi éprouvante en période de chaleur.
Larrasoaña
Larrasoaña... et un démenti une minute plus tard !
Après Irotz (et non Iritz)
Par ici la suite ! 7ème étape : Pampelune - Puente la Reina (24 km)








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