Sur la route de Compostelle - Charente / Pays Basque à pied (2021) - 11ème étape : Hagetmau - Argelos (8 km)
A Hagetmau, en ce 14 octobre, le soleil irradie complètement le ciel dès le petit matin. Comme il n'y a pas de nuages, la nuit a été encore fraîche et le seul bémol que nous attribuerons à l'Hôtel "Le Jambon" est de ne pas avoir fait tourner le chauffage la nuit ! La conséquence est que les habits ne sont toujours pas secs et pire encore, ils se sont chargés d'humidité...
Ce matin-là, je suis dans la même réflexion de la veille : comment vais-je rendre cette journée fructifiante sur ce trajet court (nous pensons alors qu'il y a neuf kilomètres à parcourir, et en réalité, il y en a un peu plus de huit) ? Le temps est un luxe. Et comme nous sommes en vacances, cette fois nous allons le prendre et profiter une dernière fois de l'ambiance paisible et sereine de cette petite ville, un jour d'automne ensoleillé. De mon côté, les pieds sont encore un peu douloureux et la halte au gîte de La Capère ne sera pas de trop avant l'étape plus difficile qui mènera à Orthez le lendemain. Je pars donc faire quelques courses pour prendre le ravitaillement du déjeuner (nous ne nous attendons pas à trouver quoi que ce soit d'ouvert en route). Au retour, au-delà des parapluies roses, j'aperçois les Pyrénées pour la première fois, plein sud. Sous un soleil éblouissant, elles ont l'air de montagnes tropicales. Nous partons donc vers onze heures après un dernier petit détour au bar "Chez Pierre", où nous pouvons apprécier le petit-déjeuner.
L'étape est très courte et comme nous allons mieux désormais, nous retrouvons un rythme de croisière intéressant, d'autant plus que le parcours n'est pas très difficile. En une heure, nous parcourons les quatre premiers kilomètres. J'aperçois un silo que je crois être un observatoire, tellement il domine le paysage et je m'arrête un temps à la Fontaine de Béougos. Comme la veille, le chemin est omniprésent sur le décor : n'importe quel pèlerin saura qu'il emprunte bien la voie de Vézelay et que nombreuses sont les croix et statues qui se trouvent au détour d'un virage, ou un peu en retrait sur l'accotement. Nous grimpons progressivement à Labastide-Chalosse, le chemin se confond toujours avec les petites routes goudronnées de cette campagne vallonnée. Nous en profitons pour pique-niquer là où nous le pouvons, c'est-à-dire juste devant une petite école dont les enfants semblent avoir déserté les lieux, comme si nous étions en plein été. C'est un petit village de cent cinquante habitants, comme nous en avons trouvé beaucoup au début de notre expédition.
Puis, il faut tourner à gauche et emprunter une descente, qui arrive tout juste une cinquantaine de mètres après notre arrêt "déjeuner". C'est la côte de Ninon. J'ai un oeil particulier sur cette descente car le lendemain, une telle côte sera à prendre tout de suite après notre départ du gîte, mais dans le sens de la montée ! Nous observons le dénivelé et nous imaginons l'effort qui sera à fournir dans quelques heures. En bas de la côte, je sens que la chambre d'hôtes n'est plus très loin. Tout comme l'aventure qui touche à sa fin. C'est trop tôt pour moi, j'ai le sentiment d'en vouloir encore après Orthez, que nous savons accessible en quelques dizaines de minutes seulement en temps normal, c'est-à-dire en voiture ! Le temps semble alors distendu, entre celui qui s'écoule lentement en ce début d'après-midi et celui qui défile sur notre parcours en général... Nous sommes désormais à l'arrêt à Lescouplé, nous avons trois heures devant nous puisque notre hôte du soir, Lydia, a prévu une arrivée à 17 h 30 sur AirBnB. Je me demande même si nous ne sommes pas déjà arrivés, mais en réalité, il reste un peu plus d'un kilomètre à parcourir en trois heures.
Alors, il reste deux choses à faire à ce moment-là. La première, c'est de faire sécher le linge. Cela tombe bien, nous avons trouvé un petit coin "pique-nique", il y a un peu de vent et le soleil est toujours de la partie. Il ne manquerait que quelques degrés, pas plus, pour que l'humidité puisse rapidement quitter nos habits. J'observe les arbres et je repense aux camps de vacances que j'ai encadrés il y a une dizaine d'années. C'était le règne de la semi-débrouille mais là, nous n'avons pas de fil d'étendage, ni même de corde ou de ficelle pour étendre le linge. Qu'importe, il y a des branches d'arbres qui me paraissent suffisamment solides pour faire l'affaire et, du haut de mon mètre soixante-douze, elles sont accessibles. Au pire, je demanderai à Karima d'utiliser ses six centimètres supplémentaires pour compléter.
La deuxième chose à faire, c'est de méditer. Le silence des lieux, qui s'apparente à de la paix dans un endroit où les maisons semblent attendre leurs propriétaires comme un chien attendrait son maître, est à peine troublé par quelques rares automobilistes de passage. La peau des pieds peut sécher, et comme nous avons finalement beaucoup de linge humide, nous avons de quoi nous occuper en toute tranquillité. Une heure plus tard, Lydia m'envoie un message et m'informe qu'elle est chez elle, avec son mari, et qu'elle peut donc nous accueillir plus tôt. Nous récupérons alors les derniers habits et nous parcourons ce dernier kilomètre, toujours sur le GR 654 / Voie de Vézelay, pour rejoindre le gîte qui est en bordure du chemin de Compostelle, juste après la rivière Le Luy de France.
Lydia et son mari Francis nous accueillent, et, sitôt entré dans la propriété, Francis nous interpelle alors que la conversation sur les ampoules a débuté : "Vos pieds, c'est au départ que vous auriez dû les traiter." Le décor est planté. Et le décor invite sur place à prolonger la méditation. Lydia et Francis sont tombés sur la maison de leurs rêves - une ancienne chapelle - et investissent les lieux pour en faire un endroit à la fois atypique et remarquable. Après avoir racheté la propriété à un anglais qui s'était surtout préoccupé de l'intérieur, ils ont entièrement reconstruit l'extérieur de la maison pour en faire une demeure très conviviale et accueillante. Voilà ce que c'est que d'avoir la main verte ! Pourtant, c'est au son des nombreuses espèces de canards de leurs voisins que nous investissons les lieux ! Les poules ne sont d'ailleurs pas en reste, le tout dans une très belle harmonie. En cette après-midi qui s'écoule sereinement, j'ai envie de m'arrêter un peu quelques minutes et de profiter simplement de l'instant présent. A partir de ce moment-là, jusqu'au repas, nous allons prendre chacun notre petit rythme pour nous imprégner de l'ambiance locale. Il n'est pas simple de décrire cet endroit par des mots, et nous n'en avons de plus vu qu'une seule partie sur place. Pourtant, c'est peu de dire qu'il est singulier et en tout cas, chargé d'une âme bienveillante et d'une énergie particulière, qui sent le travail, l'effort, mais aussi la volonté de vivre à la fois près des autres et des éléments naturels.
Francis est maraîcher mais aussi grand sportif malgré sa taille plus réduite que la mienne. Il est cycliste et ancien boxeur. Lydia est naturopathe, et, dans la chambre d'hôtes, je découvre une brochure à son nom qui propose des massages. Karima en profite alors immédiatement pour le lui demander ! Nous sommes heureux de découvrir ce couple qui nous ouvre les portes de leur maison, et de leur cuisine pour préparer notre repas et finalement... Lydia nous fournit de précieux conseils pour adopter une meilleure hygiène de vie (j'y reviens dans un chapitre médical suivant). Après une soirée à refaire (un peu) le monde, nous pouvons profiter de ce que nous pensons alors être notre dernière nuit sur le chemin...







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