Sur la route de Compostelle - Charente / Pays Basque à pied (2021) - Transfert de Captieux à Saint-Sever
Nous nous réveillons chez Emmanuelle. La nuit a été fraîche mais elle a porté conseil. Suite à la proposition de notre hôte, je me réveille motivé à l'idée de poursuivre le chemin dans la forêt landaise et je m'imagine déjà réaliser une vidéo en étant seul, insolite, et retrouver Karima à l'arrivée. Mais le conseil est plutôt arrivé chez mon épouse, surtout qu'elle n'a pas récupéré, même un peu, des étapes précédentes. Nous revenons donc sur l'option que nous avions envisagée le jour précédent à notre arrivée à Captieux. Deux arguments renforcent cette réflexion sage : nous n'avons pas d'hébergement pour le soir-même et jusqu'à Mont-de-Marsan, les zones habitées ne sont pas très importantes et les points d'eau semblent rares. Nous n'imaginons pas non plus poursuivre notre parcours au jour le jour et ne pas anticiper. Karima pense tout d'abord rallier simplement Roquefort mais au vu de la suite de la voie verte, nous décidons finalement après quelques minutes de rejoindre Mont-de-Marsan, à environ cinquante kilomètres plein sud.
Emmanuelle a laissé des provisions dans le gîte des pèlerins pour le petit-déjeuner. Le gîte est séparé de la maison d'Emmanuelle qui nous avait accueillis pour le repas du soir. Au moment de retrouver Christophe et Héridiane au petit-déjeuner, je suis en plein doute. Le coeur n'y est pas vraiment. Nous n'avons pas envie de partager notre choix d'avancer directement à la préfecture des Landes aux deux autres pèlerins, mais il n'est pas simple de rester discret. Une autre question me taraude : j'ai pris connaissance du réseau de transport de la région, et je ne vois pas comment rejoindre Mont-de-Marsan sans reprendre le bus jusqu'à Langon, puis le train jusqu'à Bordeaux, avant d'aller à Dax ensuite. Cela nous ferait repartir en arrière, sur nos pas, et nous aurions l'impression de refaire trois étapes à l'envers, ce que nous ne souhaitons pas à ce moment-là avant d'arriver à Orthez. Il nous reste alors deux possibilités : solliciter Emmanuelle pour aller plus loin que ce qu'elle avait proposé la veille au soir, ou faire du stop. Nous attendons que nos camarades pèlerins partent vers Bostens, et après nous être dits que rien ne coûtait de demander, nous allons frapper à la porte de notre hôte.
Nous quittons Captieux et les anciennes gares de la voie verte, mais pas en train
11 octobre 2021
Après quelques minutes, Emmanuelle nous ouvre. Karima lui demande alors s'il est possible de se rendre à Mont-de-Marsan, et elle accepte immédiatement. Nous nous mettons d'accord sur l'heure (11 heures du matin) et nous nous donnons donc rendez-vous pour partir ensemble en voiture. De retour au gîte, je m'aperçois que le linge n'a pas séché et qu'il va falloir l'emporter mouillé, pour où ? Je me dis qu'il faut que je trouve une solution rapide avant de partir pour savoir où nous allons dormir. Après cinq appels infructueux, nous n'avons pas de chambre pour le soir, ni en chambre d'hôtes, ni à l'hôtel. Je pense alors que je dois trouver une solution accessible en train à la campagne. Il y a une chambre disponible à l'hôtel Bellevue à Morcenx, et il y a un train pour aller là-bas depuis Mont-de-Marsan. Le tarif semble quand même élevé mais je prends la réservation tout de même. Quelques minutes avant de partir avec Emmanuelle, nous avons donc un lieu pour dormir. Nous montons en voiture, un peu déçus, mais à deux, nous n'avons pas les moyens physiques de continuer sur cette voie verte dans de bonnes conditions. Toutefois, il nous faut relativiser : le chemin n'est pas terminé, nous reviendrons effectuer les étapes "délaissées" l'an prochain, nous sommes en bonne compagnie et pas dans un combiné bus / train.
Trois quarts d'heure plus tard, nous arrivons donc à Mont-de-Marsan. Et comme nous devons prendre le train, nous avons demandé à Emmanuelle de nous conduire jusqu'à la gare, qui est un repère plus facile. Karima guide Emmanuelle jusqu'à bon port. Nous la remercions chaleureusement de nous avoir conduits jusque là, et Emmanuelle ne souhaite pas être défrayée car elle adore conduire ! Finalement, elle accepte à moitié. La veille au soir, nous étions cinq, cette fois, nous sommes deux et seuls sur le parvis ensoleillé de cette gare. En passant en voiture, sur les longues lignes droites qui entrecoupent la très vaste forêt, nous entendons le passage des Rafale (il y a un grand camp militaire entre Captieux et Roquefort) et en arrivant, nous retrouvons encore la civilisation. Cette fois, l'arène annonce un nouveau changement de région mais cette fois, nous avons effectué la traversée en voiture. Nous reviendrons là, c'est sûr.
Comme le chanterait Gilbert Bécaud : "Et maintenant, que vais-je faire, de tout ce temps ?" Le train pour Morcenx part dans plusieurs heures. Comme à Saint-André-de-Cubzac quelques jours plus tôt, nous avons tout à coup la sensation d'avoir du temps. Nous ne sommes pas enchantés à l'idée de rejoindre Morcenx pour une nuit et de revenir à Mont-de-Marsan et Karima préfère loger près du chemin. Comme aucun hébergement n'est disponible sur place, il n'y a de nouveau qu'une seule alternative : avancer encore sur notre périple, jusqu'à Saint-Sever, voire jusqu'à Hagetmau directement. Mais alors, il n'y aurait plus qu'une seule étape derrière, et notre parcours perdrait encore du sens. Je consulte les panneaux d'affichage des bus pour Saint-Sever et je vois qu'un bus part en fin d'après-midi de la gare. Je demande confirmation auprès du guichet et je l'obtiens... sur papier. Dommage pour le service à la clientèle. J'appelle l'office de tourisme de Saint-Sever, qui me dit qu'il y a de la place dans le gîte communal malgré les restrictions "Covid" et que nous pouvons y dormir. Les horaires conviennent, donc nous décidons de nous y rendre en bus, un peu à regret, car c'est encore une étape qui devra être remise. Je téléphone donc finalement à l'hôtel Bellevue pour annuler la réservation du soir. Nous avons donc un hébergement pour le soir, et un moyen de transport pour nous y rendre. Nous ne le savons pas encore mais, après avoir emprunté le bus, le train, la voiture et le bus de nouveau, sur environ cent trente kilomètres de la totalité du trajet, nous irons au Pays Basque intégralement à pied.
Le temps est venu de penser aux besoins primaires du jour. Comme je suis en ville, et que Karima doit récupérer, je profite du beau temps et de l'espace qu'il y a sur ce parvis de la gare pour y laisser mon sac à dos et partir à pied (pour changer un peu !). Je récupère quelques sandwiches en boulangerie et comme nos affaires étaient mouillées, je pars acheter deux paires de chaussettes basiques à deux euros au marché qui tourne juste en-dessous de la gare. Au moins, elles pourront dépanner pour aujourd'hui. Ensuite, il faut s'occuper de la fin du parcours jusqu'à Orthez et à ce moment-là, au vu de notre expérience du début de parcours, nous décidons de couper l'étape Hagetmau - Orthez en deux temps. En effet, elle fait vingt-neuf kilomètres et il y a du relief à gravir. De nouveau, comme c'est une bonne option depuis le début, je contacte l'office de tourisme et pour une fois je peux anticiper sur les jours à venir ! Il n'est pas facile de trouver un hébergement dans la campagne à proximité de la voie de Vézelay et nous recherchons un logement à peu près à mi-distance. Après deux indisponibilités, nous repérons un logement AirBnB à Argelos, avec une réservation instantanée. Nous savons que le propriétaire peut toutefois refuser, alors dans l'intervalle, nous réservons une nuit à l'hôtel Kyriad d'Orthez (nous reviendrons sur cette nuit-là plus tard...). Quelques minutes après, l'hôte confirme l'hébergement à Argelos. Soulagé, je me dis que cette journée sans marche, non prévue au programme, aura été utile. Mais va-t-elle suffire à récupérer, alors que nous sommes simplement en transit ? Nous ne le saurons que le lendemain. Il ne nous reste plus qu'à attendre et prendre un dernier bus pour Saint-Sever.
La journée s'achève à Mont-de-Marsan. Les employés sortent du travail, les jeunes sortent de l'école. J'ai l'impression alors d'avoir fait l'école buissonnière. Là non plus, nous ne le savons pas encore, mais malgré l'immobilité, ces quelques heures passées à anticiper notre fin de parcours seront essentielles pour la vivre du mieux possible, et nous permettront même de le prolonger ! Nous quittons donc en bus le plat pays forestier pour grimper un peu dans une nouvelle région, la Chalosse. Là, nous ne produisons pas d'effort. Une demi-heure plus tard, alors que le soleil s'incline, nous entrons à Saint-Sever. Nous composons le code d'entrée du gîte qui nous a été remis et peu après, deux anciens pèlerins et bénévoles, Philippe et Maïté, sont délégués par la mairie pour nous accueillir. Entre temps, Karima est partie faire quelques emplettes. Je sais très vite que nous ne serons que deux et que donc, le gîte est pour nous seulement ce soir-là alors qu'il est conçu pour accueillir douze personnes !
Découvrez l'intérieur du gîte jacquaire de Saint-Sever
12 octobre 2021
Au début, l'ambiance est un peu fraîche et convenue et il est délicat pour moi de répondre aux questions comme "Pas trop fatigués ?" ou "Vous venez de Mont-de-Marsan ? Vous avez dû voir sur le chemin...". Les écriteaux sont plutôt stricts et nous demandent de quitter les lieux à huit heures du matin. Finalement, nous pourrons disposer d'un peu plus de temps (pharmacie oblige !) sans pour autant partir trop tard. Mais peu importe, être seuls dans ce vaste espace va nous permettre de nous reposer, même si les lits superposés nous séparent pour la nuit. Karima peut enfin préparer à manger (cela commençait à lui faire défaut), la douche est chaude et le gîte est silencieux. De toute façon, il n'y a guère de bruit dans cette petite ville de quatre mille neuf cents habitants. Nous pouvons nous endormir paisiblement.
Par ici la suite ! 10ème étape : Saint-Sever - Hagetmau (16 km)



Commentaires
Enregistrer un commentaire