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Sur la route de Compostelle - Charente / Pays Basque à pied (2021) - 6ème étape : Saint-André-de-Cubzac - Bordeaux (31 km)

La nuit chez Maïté a été bénéfique. Nous nous réveillons reposés après une bonne nuit et nous récupérons notre linge qui a séché dehors ! Par contre, le sèche-linge de Maïté (ce sera le seul que nous utiliserons sur notre parcours) n'a paradoxalement pas eu l'effet escompté. Comme la veille, le petit déjeuner proposé est riche et il le faut, car cette dernière étape avant la journée sans marche (ce ne sera pas une journée "de repos"), promet avec ses trente-et-un kilomètres au programme. Pour ne pas avoir la mauvaise surprise de Blaye, j'ai vérifié cette fois le compteur kilométrique à l'avance en incorporant la fin de trajet sur Google Maps car j'ai bien compris que suivre la voie de Tours jusqu'au bout nous coûterait encore du temps et de nouvelles ampoules. J'estime le trajet à effectuer à trente kilomètres et je suis bien déterminé aujourd'hui à aller au bout, car enfin, nous avons pris le temps de nous reposer un peu plus le soir.


Karima au départ de Saint-André-de-Cubzac
7 octobre 2021

Nous quittons Maïté qui nous souhaite un bon chemin et les douleurs au pied ne sont pas encore parties. Mais je suis bien déterminé à mettre le cap vers le sud-ouest d'autant que le programme s'annonce alléchant. Nous sommes encore accompagnés pendant un bon kilomètre par le trafic routier et nous le quittons pour nous rendre à Cubzac-les-Ponts, où nous prenons notre première pose / pause. Nous avons de l'énergie et cette fois aussi, nous partons avec le casse-croûte (ah la ville-étape au départ a tout de même ses avantages !). Après cette halte, la Dordogne, large, se rapproche en silence. J'ai repéré sur la carte que nous devions la traverser sur le pont Gustave Eiffel mais j'ignore tout de cet ouvrage. Toujours sous un ciel lumineux, et au son d'une campagne qui va bientôt laisser la place à l'urbain, j'aperçois bientôt le pont et son gigantisme. Comment allons-nous l'emprunter ? Nous sommes songeurs. Nous laissons alors le GR 655 nous guider et, alors qu'il prend des airs de labyrinthe, nous comprenons qu'il va falloir prendre le pont à l'envers pour le gravir progressivement jusqu'à son tablier.

Une histoire de ponts

Nous atteignons l'entrée du pont et j'observe le spectacle, grandiose, qui se déroule sous mes yeux. Le souvenir d'une traversée ventée en Galice, dix ans plus tôt, me revient alors et je me demande si je vais avoir le vertige, d'autant que la voie toute récente est tracée pour les piétons et les cyclistes entre le passage routier, sous un tunnel de métal, et le parapet. Je pense que la Dordogne, gonflée des eaux de la Gironde, coule à cinquante mètres en-dessous (en réalité, il y en a trente-trois). Après cette traversée qui restera dans les mémoires de ce périple entre Charente et Pays Basque, nous nous arrêtons pour une nouvelle pause, cette fois digestive, près de l'école de Saint-Vincent-de-Paul. Nous le sentons, nous approchons de Bordeaux, la capitale de l'Aquitaine, que nous avons aperçue depuis le tablier du pont Eiffel. L'école n' a pas grand chose à voir avec celle que nous avons vue à notre entrée en Gironde : elle sonne clairement la ville. Il y a plus d'enfants et ceux-ci sont globalement indifférents à notre passage, sauf un malheureux qui semble à ce moment-là livré à lui-même (ah la ville a aussi ses inconvénients !).

Après avoir profité du temps pour faire souffler les jambes (nous n'avons parcouru que huit kilomètres à ce moment-là), nous reprenons le chemin pour une dernière portion de campagne sur la voie de Tours. Celle-ci ne dure pas, nous le savons, et après un dernier virage à gauche, elle laisse la place à une ligne droite dont nous avons de la peine à voir le bout. Nous entrons dans la ville-dortoir d'Ambarès-et-Lagrave et il n'y a rien sur notre parcours, hormis des résidences, des arrêts de bus, des véhicules à l'arrêt à n'en plus finir. En ce début d'après-midi, nous ne croisons pas grand monde, et les rares personnes qui sont sur notre chemin ne sont là que pour quelques dizaines de mètres à pied tout au plus. Nous atteignons la gare en pensant trouver une halte pour nous désaltérer mais il n'en est rien. Alors nous poursuivons toujours plus en avant notre route vers le sud-ouest. Nous entrons dans Bassens et, alors que nous approchons du dernier tiers de l'étape, nous trouvons enfin une boulangerie ouverte avec une petite terrasse ombragée. Fatigués par nos six premiers jours de marche et par cette étape semi-urbaine longue, nous prenons des forces pour bien terminer. Bientôt, nous laisserons de côté définitivement la voie de Tours pour entrer dans la grande ville.

A la recherche de la gare Saint-Jean

Mais si Bordeaux est bien nommée, elle ne se laisse pas approcher sans efforts. A Bassens, le relief reprend de la vigueur et il nous faut toute notre énergie pour passer une crête, à hauteur d'une cité qui ne montre pas ses plus beaux atouts. Nous savons que la capitale de l'Aquitaine n'est plus très loin, puisque nous sommes désormais rentrés dans le périmètre du réseau de transports métropolitain. Mais à ce moment-là, nous ne sommes plus des pèlerins aux yeux des locaux, mais plutôt des personnes sans domicile fixe, ce qui est tout de même le cas pendant dix-huit jours. Karima m'équipe avec le support de cou, que je vais conserver jusqu'à l'entrée à Bordeaux et Google Maps prend le relais pour en terminer. Notre objectif du jour, c'est la gare Saint-Jean. Maps égrène les hectomètres et, pour nous donner un peu de moral, nous passons rapidement sous la barre des dix kilomètres. Où se cache la Garonne ? Après un rond-point, nous descendons en contrebas et le fleuve se devine derrière une zone industrielle. Nous faisons de nouveau connaissance avec le bruit, celui de la banlieue au travail, avec ses grands camions et sa poussière. Il n'y a plus que huit kilomètres à accomplir. Karima mène toujours bon train dans cette étape, et de mon côté, j'ai connu des jours meilleurs mais je sais que j'ai de l'énergie pour aller au bout. Le pont d'Aquitaine nous apparaît dans son immensité avec ses cinquante-trois mètres de hauteur. Cette fois, la ville est là. Nous passons par Lormont et, au détour d'un panneau, nous arrivons à Bordeaux. C'est une première pour ma part, et l'une des rares grandes villes françaises, avec Nancy, Metz, Le Havre, Caen et Brest, que je ne connais pas.


Yohann à l'entrée du pont Gustave Eiffel sur la Dordogne
7 octobre 2021

Mais la gare est encore loin et l'étape du jour commence à se faire sentir dans les jambes. Comme il fallait bien un peu d'adrénaline, Maps nous emmène sur un échangeur routier et nous sommes désormais bien loin du chemin. Je choisis cette option car elle est la plus courte mais après un premier passage, il nous faut descendre car, même s'il n'y a pas d'interdiction formelle pour les piétons de poursuivre sur cette (double) voie, nous ne l'imaginons pas en toute sécurité. Nous suivons une rue pendant quelques hectomètres dans le même sens et nous arrivons au pied d'un nouvel échangeur. Après quelques secondes d'arrêt, je comprends alors qu'il ne faut pas se fier non plus aveuglément à Maps ! Décidement, ce périple ne manque pas de rebondissements en tous genres. Par où faut-il passer ? J'indique à Karima une voie TGV en construction et il est évident, au vu de son orientation, qu'elle file droit vers la gare Saint-Jean. Les autres rues principales semblent par contre aller dans des directions opposées. Profitant de son sens de l'orientation bien meilleur que le mien, Karima envisage alors la suite, et un passager d'un van nous repère alors nous demandant où nous allons ! C'est un petit coup de pouce du destin, là où nous ne pensions trouver aucune aide. Je bascule alors sur l'application Geoportail, rangeant Maps pour la journée (ah le traître !) et j'identifie rapidement les rues à prendre pour arriver jusqu'à la Garonne. Nous entrons dans une nouvelle cité. Le karma a parlé car j'avais initialement repéré le trajet en évitant une autre cité ! En un regard et deux ou trois mots, nous comprenons vite que je vais limiter l'exposition de l'électronique au strict nécessaire dans cet endroit que nous ne sentons pas vraiment. Nous en ressortons en quelques rues et nous voilà lancés sur la rue de Benauge jusqu'au pont de Pierre.

Karima n'a pas vu sur la carte ce qu'il restait à accomplir. Et nous avons un nouveau coup d'adrénaline puisque l'hôtel que nous avons réservé s'interroge et nous demande de le rappeler de toute urgence ! Il nous faut en effet confirmer la réservation de la chambre... Je le rappelle et tout est désormais assuré : nous avons bien un lit à l'arrivée. Arrivés sur la Garonne, nous traversons le pont de Pierre et Bordeaux s'ouvre désormais complètement à nos yeux. Le décor me rappelle assez vite Lyon. Karima s'épuise et ne voit toujours pas la gare. Je sais où elle se trouve mais celle-ci se cache. Pour les derniers hectomètres, nous souhaitons emprunter des rues un peu moins passantes que les grands boulevards. A proximité, un certain Laurent de Charente (!) reconnaît la coquille Saint-Jacques sur nos sacs et, enthousiaste, nous parle brièvement de son expérience précédente sur le chemin. Cela nous fait chaud au coeur de voir que dans cette jungle urbaine il y a des personnes qui peuvent être attentionnées au moindre détail. Enfin, nous arrivons à la gare.

C'est le retour du masque et des horaires. J'ai pris le temps d'étudier le réseau de transport pour nous rendre à l'hôtel qui est situé à Villenave d'Ornon. Nous ne voyons pas de sens à poursuivre à pied jusque là-bas. Après trente-et-un kilomètres d'une belle étape, nous sommes usés. Et soudain, je peine à redécoller. Le corps est éreinté, les articulations crient de toutes parts, les doigts de pied hurlent. Je ne comprends pas. Comment puis-je être dans le même état subitement qu'il y a deux jours, à l'arrivée à Saint-Seurin-de-Cursac ? Il y a tout juste dix minutes, je marchais encore d'un pas convenable. Est-ce une petite montée d'adrénaline pour terminer et arriver enfin à la gare ? Sans doute. Lorsque nous arrivons au bout de la ligne, quasiment à la nuit tombée, nous apercevons l'enseigne de la chaîne de l'hôtel. Je pense qu'il s'agit de l'hôtel en question, mais il est situé encore quelques hectomètres plus loin. Beaucoup plus en forme, Karima me tire alors littéralement pour entrer dans l'hôtel, tout comme dans le McDonald's, seul point de "restauration" ouvert à cet endroit. Un McDonald's dans son jus, comme les pionniers, ce qui est très rare. Nous pouvons nous reposer, la chambre est à nous, et demain, nous ne partirons pas avec les sacs, que nous pensons d'ailleurs changer à ce moment-là. Nous sommes soulagés et pouvons profiter de l'instant présent.


Le profil de l'étape : Cette longue étape de 31 km comporte plusieurs sections. Jusqu'à la traversée de la Garonne, le profil est assez vallonné et donc préférable pour un début de journée. La voie de Tours remonte ensuite sur le pont Gustave Eiffel, avant un long faux plat à Ambarès-et-Lagrave. Le chemin remonte ensuite à Bassens à mi-étape, avant de longer la Garonne une première fois, de repartir sur les coteaux de Cenon et redescendre ensuite sur un parcours entièrement urbain. Avec 86 mètres de dénivelé positif sur une telle distance, le profil n'offre pas de difficulté majeure mais les successions courtes de montées / descentes sont à gérer avec force sur ce parcours finalement assez instable, entre campagne péri-urbaine et fort trafic routier.




Par ici la suite ! 7ème étape : Villenave-d'Ornon - Cadaujac / Langon (11 km)

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