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Sur la route de Compostelle - Charente / Pays Basque à pied (2021) - 4ème étape : Mirambeau - Saint-Seurin-de-Cursac (37 km)

Nous avons finalement plutôt bien dormi sous la tente, malgré la transpiration de la veille et l'espace réduit. Nous avions disposé les sacs à dos au fond de la tente, et nos mètres soixante-douze et soixante-dix-huit se sont avérés un peu grands dans l'espace. Au petit matin, l'humidité est bien présente. Nous sommes réveillés vers 6 h 30 et nous entendons déjà les chants des oiseaux, alors que l'aube n'est pas encore apparue dans un ciel bien encombré. Nous attendons que le jour se lève, ce qui se produit dans l'heure qui suit, et dès que la lumière est suffisante, nous sortons de la tente. Je craignais que la pluie tombe toute la matinée et neutralise une partie de notre étape du jour mais elle ne fait finalement son apparition qu'au moment du démontage, en allant crescendo. En connaissant le programme du jour, mais en subissant aussi les gouttes qui tombent de plus en plus, nous essayons de plier la tente qui restera quoi qu'il arrive humide (nous nous en rendrons compte au camping de Sauveterre-de-Béarn plus tard, et nous avons oublié de la sécher pendant tous les jours où il a fait soleil !).

La dernière pluie

Engourdi et maladroit, je finis par lâcher ma colère contre moi-même lorsque le démontage de la tente s'achève. L'espace le permet, alors je pousse quelques grands cris et frappe une pauvre tige de rage. Le négatif est sorti, nous allons pouvoir nous mettre en route alors qu'il est tout juste 8 heures du matin. La route est longue, trente-trois kilomètres sont prévus au programme sur cette étape fleuve. Nous savons déjà qu'il s'agit de la plus longue de notre périple. En plus, je ne sais pas à ce moment-là que le kilométrage que j'ai relevé sur un guide du chemin de Compostelle est largement sous-estimé.

Nous partons enfin, mais cette fois, tout est regroupé dans le bourg pour pouvoir prendre un petit déjeuner au chaud et faire tamponner la créanciale en mairie. Après les premiers hectomètres, je sens que je n'ai pas les mêmes jambes que la veille. Le pied gauche surtout me cause des misères, entre les ampoules et la cheville qui ne supporte pas bien l'humidité. Le chocolat chaud fait du bien alors que la pluie tombe mais l'ambiance reste humide dans cette boulangerie. Sur une telle longueur, chaque réconfort fait du bien mais chaque contrariété pèse lourd, comme cette porte d'entrée qui se referme mal à chaque passage.


La tente au-dessus de l'aire de loisirs de Mirambeau, juste avant le démontage
5 octobre 2021

Il nous faut nous mettre en route après la mairie, poussés par les encouragements des passants qui sont surpris de nous voir prendre le chemin sous le mauvais temps. La première pente fait mal dans Mirambeau, et nous rejoignons rapidement le GR 655 (Voie de Tours) pour quitter le village. Le relief de début d'étape se fait sentir même si nous quittons assez vite la route principale à Petit Niort. Nous allons encore bon train jusqu'à Pleine-Selve et nous prenons le temps d'apprécier notre environnement mixte, entre prairies et vignes. L'eau commence alors à manquer et nous ne profitons pas de la présence de personnes âgées dans leur maison pour la leur demander (?), peut-être accaparés que nous sommes par leur très beau jardin qui nous saute aux yeux. Le temps est encore humide et nous conservons les vestes et le sursac que nous avons enfilés dès le début d'étape. Enfin, nous atteignons le département de la Gironde, et malgré la fatigue, nous sommes soulagés et heureux d'avoir traversé la Charente-Maritime. Dans le même village, nous arrivons sans le savoir devant une classe unique - de moyenne section de maternelle - qui est à l'heure de la récréation. Les petits garçons viennent tout de suite nous voir et nous questionnent sur notre destination. Les pèlerins ne sont plus courants à cette époque.

- "Où est-ce que vous allez ?" (Pas bêtes, les enfants, ils ont vu les deux gros sacs à dos, le tapis de sol et les bâtons de marche).

- "A la montagne." (Un peu prétentieux, mais ils ne savent peut-être pas où se trouvent les pieds des Pyrénées).

- "Ah moi j'y suis déjà allé !" (C'est alors que toute la classe accourt, en laissant la maîtresse, elle aussi unique et évidemment très gentille... pas bien loin, avant que la cloche ne sonne).

Cette rencontre nous recolle à la réalité, une réalité simple d'une petite école toujours en vie dans ces villages d'un bout du monde. Le chemin a ce charme de nous faire passer là où nous ne serions probablement jamais passés sans lui. Les pieds font tout à coup moins mal, ce dialogue très simple nous reste en mémoire ensuite et, alors que nous sommes (sans le savoir) en milieu d'étape, nous imaginons encore traverser d'autres lieux baignés d'autant d'énergie positive. Après avoir jonglé entre les montagnes russes durant toute la matinée, il s'adoucit, et notre énergie se vide également progressivement. Blaye apparaît toujours plus loin. Le raisin qui a changé de couleur avec le changement de département, passant du vert clair au rouge, ne me redonne guère d'énergie supplémentaire.

Comme la veille, nous traversons des petits villages. A l'issue d'une succession de montées et de descentes, à Saint-Palais, nous trouvons enfin de l'eau près d'un foyer d'accueil et un banc pour nous reposer mais nos corps sont fatigués. Le soleil revient enfin. Nous arrivons à Saint-Aubin-de-Blaye en début d'après-midi, mais là encore, nous ne parvenons pas à nous alimenter. Comme une malédiction, tout est fermé. Notre rythme commence à faiblir et l'air marin n'arrive pas encore à nos narines. Après Saint-Aubin-de-Blaye, nous pensons en avoir terminé avec le relief, hormis quelques petites côtes insignifiantes et je vois Etauliers qui s'approche, en même temps que le soleil décline. Voilà bien longtemps que nous n'avons pas réellement mangé. Un bon petit-déjeuner, quelques grains de raisin, quelques barres vitaminées ne font pas le poids face aux kilogrammes de nos sacs et à une distance qui atteint désormais vingt-sept km pour la journée. Nous faisons alors une pause au café, à l'entrée d'un village un peu plus grand (mille cinq cents habitants) et après une pause boisson bien méritée, nos compagnons du moment attablés constatent notre état de fatigue et notre inquiétude. Le logement en AirBnB que je pensais pouvoir réserver à Blaye s'est envolé, et nous devons nous faire une raison : à cette allure, nous atteindrons Blaye probablement aux alentours de 21 h 30 mais dans quel état moral et physique ? Les hôtels sur place étant très chers (ah l'air de la mer...), qui nous attendra en chambre d'hôtes à une telle heure ?

Une entorse au chemin et un premier passage sur la voie verte

Nous avons donc un choix à faire entre nous arrêter là et aménager donc notre programme (il y a un hôtel à Etauliers), poursuivre sur le chemin et nous arrêter plus tôt (mais l'étape du lendemain sera plus longue), éviter Blaye et poursuivre plein sud en direction de l'étape suivante, ou aller coûte que coûte à Blaye pour suivre notre programme à la lettre. Nous optons finalement pour la deuxième solution et, coup de chance, il reste une chambre disponible (à 138 € en demi-pension) à la chambre d'hôtes de l'Estuaire à Saint-Seurin-de-Cursac ! J'avais envisagé un logement plus confortable à l'issue de cette quatrième étape pour éponger les kilomètres. Je m'empresse donc de la réserver. Nous repartons tant bien que mal sur la voie de Tours (surtout de mon côté). Karima semble plus en forme que moi à ce moment-là. Après trois kilomètres sur la voie de Tours, nous nous mettons rapidement d'accord pour opter pour la voie verte, beaucoup plus directe, et qui rejoint Blaye. Nous délaissons ainsi le chemin de Compostelle comme la veille, mais cette fois c'est volontaire. Bien nous en prendra.


Karima loin devant sur la voie verte, à 11 km de Blaye
5 octobre 2021

Nous découvrons la voie verte et rejettons par la même le flot de voitures. Cette ancienne voie ferrée reprend progressivement de la hauteur pour entrer dans les Côtes de Blaye. Je donne alors l'énergie restante sur les sept derniers kilomètres qui nous paraissent interminables. Le soleil peut se coucher, nous sommes en paix : le repas nous attend à l'arrivée, une bonne douche, un bon lit... après un passage à la pharmacie. Tous les services de proximité semblent s'être d'un coup donnés rendez-vous sur ce carrefour de routes, au bout du village. Il nous reste encore un kilomètre à l'entrée du village car la chambre d'hôtes se trouve sur la route principale et ce kilomètre semble durer une éternité. Les bâtons de marche deviennent alors des béquilles, voire un déambulateur. Karima s'empresse de passer au guichet pour retirer de l'argent liquide (heureusement que notre hôte nous l'a précisé !) et à la pharmacie et je peine vraiment à suivre. Les ampoules sont là et la cheville gauche me fait boîter plus que jamais. Nous sommes enfin accueillis à 19 h 30 mais comme il y a un invité qui est déjà arrivé (un monsieur qui travaille dans une entreprise de boîtiers (?) et qui se rend à ce moment-là à la centrale nucléaire du Blayais), nous devons nous dépêcher sous la douche pour pouvoir prendre le repas à 20 h ! Une demi-heure plus tard, nous sommes prêts et une belle tablée nous attend avec nos hôtes du soir, Angélique et son mari Alexis et donc, ce monsieur dont j'ai oublié le prénom.

Après cette belle rencontre, nous lavons notre linge, soignons les bobos et regagnons notre lit d'une nuit. Ah le confort oublié ! Nous nous jetons dans les bras de Morphée sans plus attendre car... une autre étape nous attend le lendemain.


Le profil de l'étape : L'étape poursuit sur les vallons de la Saintonge en direction de la Gironde. Le début de l'étape est très vallonné et fatigue les organismes. Le dénivelé donne l'impression d'être assez important au vu de la longueur du parcours à ce moment-là. Après Saint-Palais, un peu avant la moitié de l'étape, le chemin de Compostelle rejoint la plaine. Le paysage change alors qu'il était jusque-là surtout dominé par les vignes. Pour raccourcir le trajet jusqu'à Blaye, le chemin laisse alors la place à la voie verte, qui reprend de l'altitude de manière très progressive jusqu'à Saint-Seurin-de-Cursac. A l'arrivée, l'étape est très longue pour être effectuée en un seul jour à pied.




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