Haut de page

Sur la route de Compostelle - Charente / Pays Basque à pied (2021) - 3ème étape : Pons - Mirambeau (32 km)

La nuit a été bonne à la halte jacquaire de Pons. Nous avons l'habitude d'être réveillés assez tôt et comme nous sommes cinq, il faut s'accorder pour que chacun puisse vaquer à ses occupations quotidiennes de pèlerin. Nous attendons donc que tout le monde soit réveillé pour pouvoir nous mettre en route et, sans provision la veille, je pars donc en quête d'un gros petit déjeuner pour la journée, car elle promet d'être longue. J'arrive donc à la boulangerie que j'ai repérée à proximité de la halte (enfin, à six cents mètres... à pied, évidemment) mais une fois rentré, j'aperçois sitôt un carton sur lequel il est écrit "nous n'acceptons pas de règlement par carte bancaire". Et bien sûr, je n'ai pas d'argent liquide en quantité suffisante avec moi. Je demande donc à la boulangère de mettre croissants et pains au chocolat de côté et d'attendre que je revienne du distributeur bancaire. Je lui demande où il se trouve et... il faut monter au sommet de la ville ! Me voilà donc parti pour trois kilomètres aller-retour jusqu'au gîte.

Un aller-retour qui va coûter plus cher qu'un petit-déjeuner...

Je revois donc le centre historique de Pons où nous étions arrivés la veille, sous un beau soleil et j'en profite pour faire rapidement quelques photos. Le magasin "Utile" à proximité m'attire aussi pour récupérer quelques boissons énergétiques : lait et jus de fruits ! Quelques jeunes passent par là en attendant d'aller au lycée. Je reviens donc à la boulangerie où je récupère mes provisions et je rentre donc au gîte. Karima pendant ce temps a préparé toutes les affaires ; Hervé et Annie sont sur le point de partir et Emmanuel s'en est déjà allé sur la route de Bordeaux. Tout ceci paraîtrait banal mais entre temps, une heure est quasiment passée. Je ne m'en alarme pas pour l'instant et pourtant, un peu plus tard, cette heure "perdue" ne se rattrapera pas, nous obligeant à forcer le train pour arriver à Mirambeau le soir et contribuera nettement à fragiliser notre état physique jusqu'à Captieux une semaine plus tard.


A l'assaut de Compostelle, sous l'arche !
Pons, 4 octobre 2021

Nous pensons donc partir en dernier de la halte jacquaire, vers 9 h 45, et notre chemin de Compostelle démarre officiellement presque ici, près de l'ancien hôpital des Pèlerins, sous une belle arche en pierres de la région, et par un temps radieux. Après une prière inaugurale sur cette voie de Tours et sur ce sentier de grande randonnée n°655, nous nous lançons dans cette étape en direction de Mirambeau. La température monte progressivement mais sur les premiers kilomètres, la forêt est encore humide et il fait semblant de pleuvoir sur nous. Nous atteignons Belluire et mon sac, qui ne tient plus que sur deux points d'appui (une bride s'est décousue), commence à peser sur mes épaules. J'envisage alors de trouver une brindille de genêts qui pourrait me permettre temporairement de faire un noeud faisant l'affaire pour une étape. Je suis en quête de cette brindille alors que le chemin quitte le bitume pour des pistes carrossables à travers la campagne de Saintonge. Les vignes, omniprésentes en Charente, se font désormais plus discrètes et partagent l'espace. Nous sentons progressivement que nous changeons de région pendant que nous avançons vers le sud.

Je vais oublier cette idée de genêt puisque dans nos rétroviseurs, nous apercevons Hervé, suivi d'Annie, qui avancent à bon rythme. Enfin, surtout Hervé, dont le chapeau se rapproche peu à peu. Annie s'accroche derrière lui. Après avoir rangé nos vestes à cause de la chaleur montante, nous nous arrêtons ensemble à quatre pour disserter un peu sur le chemin à suivre, à hauteur d'une patte d'oie. Alors que le sentier croise avec la D137 (ce qu'il effectue souvent sur cette étape), nous nous arrêtons quelques instants pour profiter d'une grappe de raisin blanc. Le beau temps laisse alors la place en quelques minutes à des nuages qui deviennent menaçants. La météo a prévu ce jour-là un temps instable, avec de rares risques d'averses. Karima me demande s'il faut de nouveau enfiler les vestes, mais je ne perçois pas de changement visible à ce moment-là. Très rapidement, le ciel se referme alors sur nous, et en quelques secondes, je me rends compte que la pluie tombe drue à quelques centaines de mètres. Tout juste ai-je le temps d'annoncer avec certitude que la pluie est imminente qu'elle se met à tomber à verse, et tout juste avons-nous le temps d'enfiler la veste et le sursac qu'elle s'arrête ! Les nerfs chauffent, d'autant que je me rends compte cette fois que le temps file sur cette longue étape.

A 14 h 30, nous finissons par atteindre le village de Saint-Genis-de-Saintonge. Comme une première sanction de l'heure qui a filé le matin, nous ne trouvons qu'un café ouvert et il est alors impossible de pouvoir manger : il est trop tard pour déjeuner et trop tôt pour goûter. Nous sommes près de la moitié du parcours et compte tenu de la moyenne effectuée sur la première partie de l'étape, et de ce qu'il reste à accomplir, je sais alors que la fin du trajet sera difficile. Pourtant, nous n'avons effectué qu'une courte pause et celle-ci, pause boisson en bordure d'une route où circulent nombre de camions, n'est guère profitable. D'un coup, notre accoutrement pèse lourd. Au moment de repartir vers Mirambeau, nous croisons une dernière fois Hervé et Annie qui, sagement, ont prévu de s'arrêter pour aujourd'hui à cet endroit, compte tenu de leur état de forme. Nous nous saluons car nous pensons alors que nous ne nous reverrons plus (Cf. Etape 14 à venir !) et au moment du départ, je m'aperçois immédiatement que j'ai perdu l'embout de mon bâton de marche droit ! La tige métallique du bâton sonne très vite au contact du trottoir et comme je viens juste d'entendre ce bruit, je sais alors que l'embout se trouve probablement au niveau de la terrasse du café. Je le retrouve finalement au bout de quelques dizaines de secondes. Nous pouvons repartir.


Yohann à bon rythme près de Saint-Genis-de-Saintonge
4 octobre 2021

Une fois le chapelet récité, les difficultés se font sentir. Après avoir laissé sur le côté une halte jacquaire, que nous estimons trop loin de l'arrivée (à plus de huit kilomètres à ce moment-là), un long passage en forêt nous inquiète car Mirambeau est encore loin, et comme nous avons envisagé une nouvelle nuit en bivouac après la première, nous ne savons pas réellement où nous allons dormir. Sans doute pressés par le soleil déclinant, nous oublions à un moment de tourner à droite et je m'aperçois quelques centaines de mètres plus loin que le balisage a disparu de notre position. Je consulte le smartphone qui m'informe instantanément que nous ne sommes plus sur le chemin de Compostelle, que nous empruntons pour la première fois ! Deux solutions s'offrent alors à nous : rebrousser chemin ou poursuivre et tenter de le récupérer plus tard. Karima refuse la première option. Nous optons donc pour la seconde et ma coque de smartphone se décolle alors du téléphone. Pour rejoindre le chemin, il nous faut passer dans une forêt, en période de chasse, sous un soleil déclinant et sur un terrain rendu boueux par les pluies des jours précédents. L'angoisse monte. Karima commence à s'impatienter et je tente de la rassurer en lui affirmant que nous arrivons progressivement aux premières maisons de Mirambeau.

Une fin d'étape à l'arraché...

Je suis saisi d'un doute au détour d'un château d'eau, alors que je sais que la fin d'étape, mais aussi la fin du jour, approche. Karima fulmine à ce moment-là et son corps la lâche. Nous entrons péniblement dans Mirambeau, éreintés, alors que le soleil a déjà disparu de l'horizon et que nous ne savons pas où nous allons dormir. C'est ma principale préoccupation. Nous avons laissé sur notre chemin des terrains potentiels juste avant d'arriver et Karima garde encore l'espoir de faire une belle rencontre, comme la première journée, pour dormir sous un toit. Je savais qu'il y avait un supermarché à l'arrivée au village, un village-rue, toujours traversé par la D 137, mais à 19 h 10, je ne sais pas s'il est encore ouvert. Par chance, il l'est encore pour vingt minutes. Nous n'avons pas mangé depuis ce fameux petit-déjeuner. Il nous faut absolument manger, car nous affichons alors trente-et-un kilomètres au compteur sur cette étape mais nous devons aussi trouver où dormir. A cette heure-là, ces deux priorités semblent difficilement conciliables. Nous nous concertons à l'entrée, à grande vitesse, pour savoir ce que je vais acheter. Je cours dans le magasin, plus vaste que prévu et que je ne connais pas, pour acheter nos provisions et, à la sortie du supermarché, nous tombons sur une personne qui nous parle très brièvement du chemin, nous souhaite bon courage et s'en va aussitôt ! Karima a compris : "ce n'est pas ce soir que nous tomberons sur un bon samaritain". La messe est dite : nous allons devoir faire l'impasse sur un toit, à l'inverse du premier soir, mais aussi sur la douche, comme le premier soir ! Nous avons de quoi manger, il ne reste plus qu'à sauver la mise et planter notre tente. Car, en montant vers l'aire de loisirs que j'avais tout de même repérée avant de partir sur ce périple, j'ai jeté un dernier coup d'oeil aux hébergements potentiels. Il y a bien une chambre d'hôtes mais elle est à quatre kilomètres et nous sommes à bout de forces.

Alors qu'il ne nous reste plus qu'un quart d'heure de visibilité, nous recherchons l'emplacement le moins mauvais : il nous faut être à la fois discret mais pas trop isolé. Pas question de s'installer sous les lumières de l'aire de loisirs et trop près du camping, quoi que peu occupé en cette saison et par ce temps qui vire au gris en cette nuit qui approche. Au-dessus de l'aire de loisirs, il y a un terrain qui a été visiblement remblayé et qui pour moi fera l'affaire. Nous sortons la tente du sac et la déplions rapidement. Nous nous coordonnons bien et je suis soulagé lorsque les deux arceaux principaux sont enclenchés. Pendant que Karima organise l'intérieur, je plante les sardines de mon côté et je pars à la recherche d'eau, qui peut être utile pour boire et pour faire une petite toilette de chat. Je reviens bredouille : le robinet près du sac ne délivre que quelques goutelettes résiduelles. Il n'y aura pas de toilette : ce sera un repas vraiment tiré du sac et nous devrons nous contenter d'un litre d'eau. En me déshabillant, je constate les odeurs du jour et aussi une ampoule au pied gauche qui a crevé : les lendemains seront difficiles. Après une dernière vidéo, nous nous endormons épuisés. Je rassure Karima sur les visiteurs potentiels pendant la nuit mais je le suis moins quant à la météo du lendemain : la pluie est prévue pendant toute la matinée et une nouvelle longue étape nous attend jusqu'à Blaye...


Profil de l'étape : Avec 32 km, cette étape faisait partie des plus longues programmées. Pour nous, il s'agissait d'un vrai premier test : serions-nous capable littéralement de tenir la distance ? Après avoir effectué 45 kilomètres sur les deux premières étapes, et au début de ce périple, nous pensions pouvoir être encore assez frais pour nous accorder une deuxième nuit prévue en bivouac, d'autant plus que la première prévue a finalement eu lieu sous un toit. Avec 103 mètres de dénivelé positif, sur une telle distance, le relief n'avait pas de quoi impressionner. Pourtant, cette étape était bien faite pour peser sur les organismes. Moralement, il n'est pas évident de croiser souvent la route qui mène directement à Mirambeau, nous faisant prendre conscience plusieurs fois dans la journée que le GR 655 est loin de constituer la voie la plus directe et donc la plus rapide. Physiquement, le profil de l'étape est tout de même casse-pattes, avec peu de passages plats. De plus, les parties les plus élevées et les plus pentues, certes sur quelques dizaines de mètres, arrivent en toute fin d'étape, lorsque la fatigue liée au temps parcouru et à la distance se fait vraiment ressentir.





Commentaires