Sur la route de Compostelle - Charente / Pays Basque à pied (2021) - 2ème étape : Salles d'Angles - Pons (21 km)
En ce deuxième jour, nous ouvrons l'oeil plutôt rapidement. Nous étions heureux d'avoir trouvé refuge la veille chez François, mais nous savons que la route nous attend. Nous avons la visite de Léa, qui est un chaton de quelques mois à peine, et qui a visiblement l'habitude de voir des gens. Très affectueuse, elle est aussi très joueuse, et apprécie particulièrement tout ce qui est en bois et surtout, les ficelles des sacs de couchage ! Il s'agit d'un chaton recueilli par la famille, abandonné par ses anciens propriétaires, et qui se fait un malin plaisir de découvrir tous les jours son terrain de jeu et les gens qui viennent la visiter ! Mais pour moi, Léa, c'est la chanson de Louise Attaque, et à partir de ce jour je n'aurai de cesse de la fredonner à chaque fois que les muscles et articulations de la partie inférieure de mon corps rechigneront à repartir. "Léa, elle est pas à gauche, elle est pas à droite, elle est pas maladroite..." "Elle est pas jolie, elle est pas moche non plus..." Et à chaque fois, deux coups de bâton (de marche) pour avancer. Du coup, sans le savoir, Léa m'a beaucoup aidé sur ce cap des trois cents kilomètres.
François éclaire d'un coup toute la pièce et nous en profitons aussitôt pour recharger les téléphones portables... ce qui est pour moi indispensable pour savoir où je vais, d'autant qu'il s'agit du deuxième jour où nous ne sommes pas encore sur le chemin de Compostelle, et donc un deuxième jour sans balisage. Nous plions les affaires et allons nous mettre en route, pour prendre la direction de Celles puis de Lonzac, où François nous a conseillé la boulangerie. Nous espérons alors pouvoir saluer notre hôte d'un soir mais nous ne trouvons personne. Nous descendons alors sur la pente entamée la veille, lorsque François nous appelle dans notre dos pour nous saluer et nous souhaiter une bonne continuation. Cette très belle première rencontre se termine là.
Une entrée bien discrète en Charente-Maritime
Le temps est quant à lui resté sur le même mode que la veille, toujours comme les prévisions météorologiques l'avaient annoncé : bruine et pluie au programme, et ce pour toute la matinée. Nous atteignons Celles en bas de la pente, et en traversant la rivière Né, nous délaissons par la même le département de la Charente pour celui de la Charente-Maritime. L'air marin est encore loin, mais l'eau est bien là. A la sortie de Celles, des bourrasques de vent du sud-ouest nous accompagnent sur cette route qui mène pendant deux bons kilomètres à Lonzac. Nous voyons surtout l'église (qui correspond selon François à la taille du chagrin d'amour de celui qui l'a construite). Nous sommes déjà trempés de sueur (en plus de celle de la veille) et de pluie. Faisons-nous peine à voir ? Un garçon n'ose d'ailleurs pas rentrer à la boulangerie, pendant que j'attends Karima. Nous avons attendu cette échoppe pendant toute la journée de la veille, et nous n'en trouverons d'ailleurs pas d'autres d'ici Pons : c'est dire si les maigres provisions achetées ce matin valent déjà de l'or.
A Lonzac, la route est encore longue avant Pons. Sauf que contrairement à la route qui nous avait amenés jusque là, je vais devoir régulièrement utiliser l'application Geoportail pour nous guider et sans mon support de cou, puisque la pluie continue de s'abattre, toujours faiblement, mais toujours régulièrement, m'empêchant donc d'utiliser le smartphone en continu. Il faut donc zigzaguer entre les vignes, rester vigilant à chaque changement de direction pour ne pas perdre le cap de l'ouest, celui qui est encore désigné pour la deuxième journée consécutive. Après avoir dépassé Le Brandard, le temps de la pause arrive pour nous à Usson, à un arrêt de bus, où Karima se rend compte à regrets que sa veste n'est pas imperméable. Il faut désormais poursuivre notre route jusqu'à Meussac, et après un jour et demi à rude épreuve, nous sommes désormais assez entamés physiquement. Pourtant, malgré cette pause, la suite va entamer encore davantage nos réserves. La montée jusqu'à proximité du château d'eau est lente, et le temps est encore gris et humide : nous ne pouvons pas encore nous délester de nos vestes imperméables devenues collantes.
Pons comme un mirage
Une fois arrivés au sommet de la côte, nous devons encore filer vers Figers. Là-bas, toujours dans les vignes, j'ai le sentiment que nous verrons poindre l'arrivée. C'est là que je revois le tableau que Mme Dechambre nous a offerts, où nous sommes peints tous les deux sur un chemin en quête de l'arrivée, mais sous un ciel ensoleillé. Il y a une ville au bout et comme je l'avais espéré, Pons apparaît au bout du paysage, en montrant tout d'abord son donjon. Il y a là-bas quatre mille deux cents habitants, j'ai donc bien espoir qu'il y ait aussi quelque chose d'ouvert pour manger, en ce dimanche. C'est là que la voie de Tours passe, et donc il y aura des pèlerins. J'imagine déjà la scène. Si le moral est bon, d'autant qu'il est encore tôt à ce moment-là (12 h 30 environ) et que cette fois, nous devrions pouvoir loger à la halte jacquaire que nous avions préalablement réservé, les jambes commencent à lâcher des deux côtés. Le donjon se rapproche peu à peu et, après avoir passé la voie ferrée, nous devons encore péniblement rentrer dans la ville. L'inquiétude revient lorsque nous marchons en direction des ponts successifs sur la rivière Seugne : tout semble désert, fermé, nous ne croisons d'ailleurs personne. Finalement, nous arrivons au pied du donjon et du quartier médiéval qui domine la ville. Epuisés, nous nous demandons quelle direction suivre pour arriver à l'office de tourisme. A défaut de pouvoir manger, nous allons peut-être pouvoir poser nos affaires. Je choisis de suivre les indications décamétriques de Google Maps qui, après un dernier effort, nous conduit au sommet de la butte. Nous voyons un café ouvert et des gens attablés (Alléluia !) et l'office de tourisme qui, comme convenu quelques jours auparavant, est bien ouvert.
Nous mettons alors pour la première fois les masques depuis quarante-cinq kilomètres (!) et faisons tamponner aussi pour la première fois nos créanciales respectives. Nous réglons la nuitée à la halte jacquaire et apprenons au guichet qu'il faut encore marcher plusieurs centaines de mètres, en dévalant la montée que l'on vient péniblement d'escalader. Avant d'effectuer cette descente, nous nous arrêtons donc au café mais il est trop tard pour pouvoir manger... Tout juste pouvons-nous nous désaltérer. Avec les dernières forces qu'il nous reste, nous atteignons finalement la halte jacquaire à l'extrémité sud de la ville, qui nous paraît tout d'un coup bien grande : à pied, nous comprenons à ce moment-là que tout effort se paie cash, que les distances paraissent tout à coup très importantes. Mais, nous rentrons dans le gîte, à jamais les premiers, et découvrons la configuration attendue : des lits superposés. Néanmoins, une douche chaude nous attend (ouf !), un bon matelas pour se reposer de ces deux jours intenses physiquement (déjà) et émotionnellement (surtout). Nous en profitons aussi pour laver le linge, nous soigner et recharger les smartphones car ce soir, pas de risque de coupure d'électricité ! Nous ne traînons pas car nous savons que deux hommes doivent venir également peupler le gîte pour la soirée. Nous découvrirons finalement dans l'après-midi Hervé et Annie, deux pèlerins venus du Morbihan et Emmanuel, proche d'être le sosie d'Edouard Philippe, qui se rend à Bordeaux, sans suivre le chemin de manière très assidue... et qui écrit également sur son voyage.
Le soir arrive. J'en profite pour partir en quête de pizzas (il n'y plus que cela d'ouvert un dimanche soir à Pons... ou un kebab). Je découvre le côté touristique du sud de la ville, et également une tente près d'un sentier de découverte de la végétation et de la rivière, preuve que je ne suis pas complètement fou de l'avoir emmenée. Je découvre également le soulagement de marcher sans le sac, mais aussi des douleurs au pied dues à l'effort physique intense des deux derniers jours. J'ai déjà deux ampoules, et des douleurs musculaires aux pieds mais je n'en prends pas totalement conscience car j'ai confiance aux chaussettes et aux chaussures. Plus dure sera la suite !
Quatre statues indiquent le chemin à suivre pour aller à Compostelle : ce sera plein sud. Mais ça, c'est pour le lendemain...
Le profil de l'étape : Avec vingt-et-un kilomètres (je pense alors que nous n'en avons que dix-huit), cette étape est d'une longueur moyenne. La côte de Meussac est la principale difficulté de la journée, en milieu d'étape. Contrairement à la veille, la deuxième partie de l'étape s'effectue sur le chemin, et non sur le bitume, ce qui complique la tâche par temps de pluie. La dernière montée à Pons, sur sa partie médiévale, vient corser la fin de parcours après vingt kilomètres de parcours.


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