Les Hautes-Alpes à l'Université : du lac de Serre-Ponçon aux portes de l'Italie
Octobre 2000. Au moment où j'écris cet article, vingt-trois ans se sont écoulés depuis ce séjour, soit une génération. A cette époque, je suis étudiant en géographie à l'Université de Saint-Etienne et l'année universitaire débute pour moi par un stage de terrain d'une semaine autour de Vars. Je suis au courant tout juste de ce stage depuis quelques semaines et je m'élance seul sur les routes de montagne, avec ma toute première voiture (j'ai eu dix-huit ans en début d'année). Notre professeur de géographie physique a réservé le refuge Napoléon, à quelques hectomètres tout juste du Col de Vars. Je suis le premier sur les lieux, et nous arrivons tous plus ou moins en ordre dispersé avec nos petites voitures, en covoiturage pour certains. A tout juste la vingtaine pour la plupart, voir à peine plus, embarquer dans cette aventure ressemble un peu à une colonie de vacances.
L'automne commence doucement à s'installer mais en montagne, même relativement près de la Méditerranée, et à cette altitude proche des deux milles mètres (le refuge est juste en-dessous), les nuits sont fraîches. Heureusement, notre promotion est encore suffisamment importante même si la filière n'attire traditionnellement pas grand monde, surtout au-delà de cette troisième année qui démarre. Et avec tout ce monde, nous n'allons pas avoir froid ! Le gîte est entièrement pour nous, et chose nouvelle mais que j'ai déjà un peu expérimentée avec ce même professeur, et un autre, nous allons devoir aussi nous supporter en dehors des cours dans un espace clos. Je profite alors de tous les excursions possibles pendant ces premières années universitaires pour partir en exploration (à l'époque, j'ai voyagé surtout en France et dans un cadre familial, alors toutes les occasions sont bonnes pour m'échapper). Nous sommes ainsi partis dans le département voisin du Puy de Dôme et c'était déjà un peu l'expédition. Alors les Hautes-Alpes, et l'Italie toute proche, cela agrandit mon cercle de connaissances.
Première neige
Nous ne savons pas encore comment la semaine va se dérouler. L'époque n'est pas facile car pour beaucoup d'entre nous, il faut se détacher du cocon familial et financer les premiers appartements, ou tout simplement se nourrir. Certains mettent en pause leur job "étudiant" pendant cette période et pour ma part, cela débutera l'été suivant. Connaissant notre encadrement, nous découvrons alors notre programme, savamment dosé entre séances collectives de découverte du milieu environnant d'un point de vue purement physique, et notre travail de (petit) groupe nécessaire pour mettre sur pied notre tout premier travail de recherche. Il nous faut donc constituer les groupes et préparer à nous déplacer dans la région pour aller rencontrer des salariés dont les entretiens sont déjà prévus : nous n'avons qu'à nous soucier de la préparation des questions à poser. Ceci est fait bien sûr en tout début de séjour et, pour ma part, je vais étudier la question touristique, été comme hiver, avec trois autres camarades de promotion.
Il fait grand soleil au cours de la première journée complète et nous partons donc à la découverte des cheminées de fée de l'autre côté du col de Vars, en direction de Barcelonnette de la vallée de l'Ubaye. C'est une curiosité géologique. Nous sommes attentifs aux explications de notre professeur car nous savons que, quelques temps plus tard, de retour à Saint-Etienne, nous aurons droit à une épreuve écrite sur le sujet ! Le troisième jour, l'ambiance change radicalement et nous surprend tous dès le petit matin. Vingt centimètres de neige sont tombés pendant la nuit et, comme la température a chuté par la même, le décor matinal est uniformément blanc. Pas question pour autant de rester blotti au chaud dans le refuge, nous allons assurer notre programme ! Nous partons donc pour les stations de ski, des Orres à Vars, avec cette météo qui vire finalement progressivement à la pluie. Nous en apprenons beaucoup sur le caractère familial de la première, et sur la renommée du ski de vitesse de la seconde, même si, malgré tout, Vars veut conserver à l'époque un caractère relativement feutré. La station s'étire en longueur, depuis le premier replat du col, et grimpe assez près du refuge. Le temps est davantage revenu au beau fixe, ce qui est appréciable, lorsque nous allons à la découverte de l'office de tourisme de Savines-le-Lac, et lorsque nous passons sur le pont qui traverse la plus grande retenue de France, à Serre-Ponçon. Nous découvrons l'histoire du vieux village englouti, qu'il a fallu déplacer pour la construction de l'ouvrage. Le point de vue superbe de la vallée, qui contraste entre les eaux bleues du lac et les montagnes environnantes, nous donne une occasion de rêver dans un cadre qui nous dépayse totalement à cette époque.
L'Italie si proche...
Le point culminant de ce séjour pour nous est cette journée de grande randonnée, dans la vallée de l'Ubaye, entre le hameau de Fouillouse et le lac des Neuf Couleurs, avec un dénivelé positif de près de mille mètres. A près de deux mille neuf cents mètres, l'oxygène commence à se faire plus rare et, au bout de six heures d'effort, nous ne sommes qu'une poignée à arriver au bord du lac et à admirer le Brec de Chambeyron, qui nous domine fièrement de près de quatre cents mètres plus haut. Nous ne sommes alors qu'à deux cents cinquante mètres de distance de la frontière italienne mais, non équipés pour franchir le Col de la Gypière enneigé (seulement quatre vingt mètres plus haut), et surtout épuisés par notre longue et lente ascension, nous devons faire demi-tour. Nous aurions probablement effectué le passage à une autre saison mais là, déjà, l'hiver commence à s'installer dans ce sublime univers minéral.
Nous avions l'habitude de prendre des bons repas montagnards le soir et aussi, pour certains accros, de monopoliser la table de ping-pong au sous-sol le soir pour des parties endiablées. Le dernier soir, nous ne dérogeons pas à la règle mais il faut bien fêter la fin du séjour alors, pour beaucoup d'autres, la boisson coule à flot. Et surtout, il fallait que nous ayons rédigé notre travail de recherche avant le départ, pour relecture (ultérieure) par notre professeur. Sam s'y est collé...
L'autoroute Modane - Turin et le Mont Jafferau
Col de l'Echelle - Septembre 2011
...se découvre onze ans après.
Onze ans plus tard, j'étais de retour dans la région, ou pas très loin. De retour d'Espagne, je ne souhaitais pas reprendre d'emploi durable en France, et, encore animateur dans l'âme, j'ai passé un entretien pour animer pendant un an des classes vertes et des classes de neige, à partir de septembre 2011. L'entretien n'avait pas débouché sur une prise de poste mais le cadre de Névache, petit village isolé dans la vallée de la Clarée, m'avait bien plu. L'après-midi avançait et, tout près de la frontière et cette fois, en voiture, j'avais l'occasion de faire un saut en Italie. Alors j'ai emprunté la Vallée Etroite, et je me suis arrêté à Bardonecchia pour découvrir cette charmante petite ville d'un peu plus de trois mille habitants, hors saison. La gare, l'autoroute qui débouche du tunnel du Fréjus pour prendre la direction de Suse et de Turin, les drapeaux aux couleurs de la Juventus et l'accent si particulier, tout donnait envie d'aller un peu plus loin, d'autant plus avec le soleil qui se couche paisiblement sur les montagnes... Quatre ans plus tard, j'y suis retourné, cette fois par le col de Montgenèvre et Oulx, mais avec un temps très orageux ! Petite anecdote : en 2015, il ne fallait pas rouler avec les feux éclairés dans la ville de Bardonnechia en temps de pluie, car il y a visiblement un arrêté municipal qui l'interdit. Je ne sais pas si c'est toujours le cas aujourd'hui.


Commentaires
Enregistrer un commentaire