Estonie, le voyage improbable (3ème partie)
Fin de l'article...
Cette partie du voyage n’a pas été simple pour moi. Après le bus trip du départ, nous étions maintenant en minibus-trip et, pour des raisons culturelles évidentes, l’Université de Tartu qui organisait le voyage avait choisi de nous regrouper en régions européennes : je me retrouvais donc avec des Espagnols et des Italiens principalement. Je me souviens que je faisais chambre commune avec Andrea, un Italien du Sud, particulièrement volubile, et que les conversations qui se transformaient la plupart du temps en monologue pouvait se poursuivre jusqu’à 4 heures du matin, c’est-à-dire l’heure à laquelle le soleil se lève ! Conséquence, je comprenais mal l’anglais, j’étais dépaysé en tous points, je ne connaissais personne, je ne dormais pas bien et surtout pas assez. Encore Tanguy à l’époque, à tout juste vingt-trois ans, je ne vivais pas forcément bien cette partie du voyage. Si j’étais assez indifférent au groupe et encore plus l’inverse, je m’appuyais sur ce que le pays pouvait m’apporter, paradoxalement un univers assez commun au nôtre, et aussi la qualité d’accueil des Estoniens, complètement ouverts au monde. Raimo, un grand et jeune étudiant, était d’ailleurs toujours disponible pour répondre aux questions que l’on pouvait se poser sur la découverte de son petit pays.
Le pays recèle plein de richesses, et la partie « travail » du programme était comblée : nous avions droit à notre lot de rivières propres (avec l’accent sur celles qui ne l’étaient pas, du fait parfois de l’usage de pesticides), de stations d’épuration, mais aussi de drumlins et de tourbières immenses, que l’on pouvait aisément voir du haut de tours d’observation d’une dizaine de mètres de hauteur. Nous sommes partis à la chasse aux castors, nous nous sommes aussi régalés en poissons frais, et nous avons découvert l’univers de la pêche locale, avec ces fameuses barques – en forme de pirogue – taillées dans le bois. Nous avons profité d’une soirée au feu de bois, sous un tipi et nous avons même eu droit au passage dans un sauna, et au saut d’Arvö Jarvet, notre guide scientifique en quelque sorte, dans une mare vaseuse dont la température ne devait pas excéder beaucoup le zéro degré. Beaucoup s’y sont aussi lancés, comme dans un « retour à l’instinct primaire » éphémère, mais à l’époque, je sortais tout juste d’une double opération de la cheville gauche, et je n’ai pas souhaité faire partie de ce défilé aquatique… Cela dit, à cette occasion, nous avons appris que cette pratique était très répandue dans les pays nordiques et permettait de déstresser après une journée de labeur. Autre cocasserie, Arvö Jarvet appelait souvent les participants en grimpant sur une souche et en prononçant sa phrase rituelle : « So young scientists, come on everybody ! » (« Alors jeunes scientifiques, venez tous ! » ).
Le Vörstjarv au calme
Juillet 2005
Je me souviens d’une soirée improvisée près du lac Vörstjarv, où nous avons tous débarqué alors que la serveuse devait débaucher cinq minutes après ! Après cette découverte de l’ouest du pays, il nous restait à tout coucher sur papier à notre camp de base, l’Université de Tartu, et nous logions alors dans les résidences universitaires qui avaient été logiquement désertées par les étudiants à cette époque de l’année. Le retour au complet du groupe, avec mes trois compères de l’Université de Saint-Etienne ; Fatou, Blandine et Thierry, me redonnait du cœur à l’ouvrage et nous pouvions maintenant passer à la production sur papier. Je me retrouvais d’ailleurs beaucoup plus dans cette ville, la deuxième d’Estonie, bien davantage à taille humaine avec ses cent mille habitants que Tallinn, aux couleurs et visages si différents. Avec sa rivière et ses infrastructures plus classiques, Tartu me rappelait davantage Saint-Etienne et, en y restant quelques jours, même dans un séjour aussi court, nous y avions tout de même nos repères. A cette occasion, je me souviens d’avoir assisté à ma première soutenance de thèse, celle d’Antti Roose, un étudiant estonien qui nous accompagnait, dans une très grande salle, ce qui préfigurait la mienne quatre ans et demi plus tard, dans une salle beaucoup plus petite…
Il nous restait maintenant à voir l’est du pays. Ce fut chose faite au sud, avec le Suur Munamägi et ses trois cents dix-sept mètres d’altitude (le point culminant), au cours d’un voyage en bus de deux ou trois heures (il faut une demi-journée pour traverser l’Estonie du nord au sud). L’ambiance était silencieuse, autour d’un décor de forêts sombres de conifères et d’eaux stagnantes, presque mystérieuses. Nous avons ensuite repris la route vers le nord et l’immense lac Peipsi, le quatrième lac d’Europe de par sa superficie, grand comme sept fois le Léman, et dont l’horizon est infini. Arrêté à un village, nous avons découvert des enfants russes désœuvrés, livrés à eux-mêmes, vivant dans des maisons de bois et dans un endroit de grande pauvreté, où seules les eaux douces du lac permettent de profiter de la vie. Le bitume les avait délaissés, la vie semblait peu à peu les ignorer également.
Comme il s’agissait tout de même d’un voyage un peu festif, notre périple s’est terminé en chansons, et chaque pays devait proposer de chanter un hymne, avec une ou plusieurs autres chansons locales. Je ne me souviens pas du nom de la localité, car nous en avons tellement traversés, mais nous étions ensuite de retour à Tallinn pour une dernière visite de la vieille ville, toute en couleurs jaune, bleu, vert et rose, avant de nous séparer définitivement et donc, pour une bonne partie d’entre nous, de promettre de nous retrouver l’année suivante à Séville pour d’autres aventures.


Commentaires
Enregistrer un commentaire