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Souvenirs de camps - 2ème partie : le directeur

Saint-Cirgues et Montriond-le-Lac (2009) : riche en émotions.

L'association CIJE est chaque année à la recherche d'animateurs et surtout de directeurs, de chefs de camps. L'été 2008 m'avait montré la voie à suivre. Le séjour d'animation passé sur la Costa Brava au mois d'août avait été très difficile (sommeil, handicap variable des jeunes, conditions d'hébergement dignes d'une autre époque, équipe d'animation trop peu soudée) et je supportais de moins en moins d'avoir une autorité trop présente à mes côtés. Motivé par le Directeur Général de l'association de l'époque, j'ai franchi le pas, en débutant ma formation aux Eclaireuses et Eclaireurs de France. Il me reste à ce jour à écrire le mémoire récapitulant l'ensemble de la formation.

Je suis resté fidèle à l'association du scoutisme français qui comprend bien le fonctionnement d'un camp de vacances, proche de la nature. La possibilité de passer quelques heures en Espagne fut aussi régénérante. L'année 2009 est le symbole de beaucoup plus de clarté dans les objectifs personnels. Le camp des plus jeunes m'a été confié, avec une certaine responsabilité puisqu'ils sont nombreux, que l'équipe d'animation est conséquente, qu'ils sont aussi et surtout chargés de représenter l'avenir des camps. Si le camp des plus anciens est celui des adieux, le camp des plus jeunes est celui des promesses. Les jeunes reviennent d'une année à l'autre et transmettent leur savoir-être, leur savoir-faire et leurs talents à ceux qui arrivent dans les camps.

Il m'avait été reproché en 2008 d'avoir été trop laxiste et, renforcé par la formation que je suivais, j'ai donc entamé le camp 2009 en faisant mes premiers pas de directeur mais en étant plus ferme. Ce n'est pas un hasard si peu sont venus me saluer au départ. Ferme ne veut pas dire méchant mais j'ai appris sur ce camp que l'image et les rapports du jeune à l'adulte sont différents entre un animateur et un directeur. J'ai aussi appris à prendre du recul, à anticiper, à former, à diriger une équipe d'animation. La tâche a été facilitée par le fait que personne dans l'équipe n'avait été animateur à mes côtés auparavant et qu'il y avait trois jeunes animateurs stagiaires. J'ai aussi découvert de nombreux jeunes, très jeunes, d'autres un peu moins. Le terrain, en Haute-Loire, était proche mais m'était pour autant inconnu. Nous avions la chance de bénéficier d'un bloc sanitaire et de camper à côté du terrain de football municipal, ce qui a fait gagner beaucoup de temps dans l'installation (en remerciant au passage les deux animatrices qui se sont transformées un jour durant en femme de ménage, pour convertir un lieu lugubre et repoussant en un lieu accueillant).


Activités manuelles devant un champ de tournesols
Saint-Cirgues (12 juillet 2009)

2009 est plus proche et les souvenirs plus marquants. Les veillées ressemblaient à des émissions de télévision dont le thème variait chaque jour. La cuisine était longue, du fait de la taille de l'effectif mais j'ai eu la joie de goûter aux steaks hachés à la confiture, recette venue d'Irlande. Comme souvent en juillet mais particulièrement cette année-là, le temps a été capricieux. L'orage, le vent violent a sévi a deux reprises. La première fois, ce fut au tout début du camp, pour le feu d'artifice du 14 juillet. Le ciel prenait des couleurs orangées et nous ne savions pas s'il allait nous tomber sur la tête. Pour les plus petits, même avec un budget réduit, le feu d'artifice représente toujours un moment magique, surtout lorsqu'on l'observe de près. Pourtant, j'étais obnubilé par leur sécurité. Une demi-heure de trajet à pied, dans la campagne, surtout sans abri potentiel et à plus de trente personnes, c'est un convoi lent et peu sûr. Nous sommes finalement arrivés quelques secondes après le lancement des premières fusées et nous sommes rentrés juste avant que les premiers grêlons ne s'abattent. Le timing était parfait, la météo nous avait laissé le temps de voir la magie. L'orage a été bref mais fort.

Ce n'était que le début. Il était dit que la météo allait être difficile avec nous et que le séjour allait passer très vite, réduit à quatorze jours exceptionnellement cette année-là pour mieux correspondre aux attentes des familles. Les plus jeunes effectuent une semi-autonomie en petit groupe, sur un parcours qu'ils choisissent eux-mêmes, à la journée. Le temps n'était pas terrible. Je fus surpris de voir combien pour certains jeunes le fait de se poser sur un vieux mur de pierres, avec un simple sandwich, peut sembler contraire aux valeurs apprises jusque-là. Car aux camps, il n'y a pas de table, pas de chaise, pas de lave-vaisselle, pas de four. Les moyens ne sont pas aussi rudimentaires que chez les scouts mais nous vivons simplement et bien. Jamais en cinq ans de camps je n'ai rencontré autant de richesses dans les activités et les animations proposées par l'équipe, il est vrai très complète. Il y eut des propositions de beaucoup de jeunes, des talents échangés, ce qui était un signe porteur de beaucoup d'espoirs pour l'association.

Quelques jours avant la fin, le temps allait encore faire des siennes, plus durement encore. Les orages tombaient fréquemment en fin de journée, alors que l'ambiance générale était chaude. Nous avons souvent profité pendant la journée de plages de baignade dans l'Allier. Je n'étais pas rassuré par le fait de ne pas voir le fond de cette rivière d'apparence si tranquille. La première expérience de direction apporte son lot d'inquiétudes, fort légitime puisque vous êtes le seul maître à bord, sur le terrain. Que ce fut enrichissant toutefois. Peu avant la fin du camp, une tempête a sévi sur notre campement, touchant beaucoup plus sévèrement cependant le camp vélo et le camp des plus anciens, situés un peu plus haut en altitude. Notre tente marabout tanguait dangereusement et il a fallu toute la force de l'équipe pour le tenir amarré. Une question me taraudait toutefois. Devant les éclairs tombant à proximité, le risque de grêle, devions-nous nous protéger nous ou devions-nous aller renforcer les tentes des jeunes, dont certains étaient très inquiets dans leur tente ? Nous avons finalement fait les deux. Je n'avais encore pas connu pareille situation sur le terrain. Les structures ont résisté à des rafales de 80 km/h sur notre lieu de camp. Plus haut, sur l'autre lieu de camp, elles n'ont pas résisté à des vents de 140 km/h. Quelque soit le lieu de camp, tout le monde était sain et sauf et c'était bien là l'essentiel.

En quatorze jours et avec autant de temps prévus (deux rassemblements inter-camps et leur préparation, l'autonomie), il n'y a pas eu beaucoup de place pour une vie de camp traditionnelle. Les talents apportés par chacun ont quand même permis de vivre un très bon camp, qui m'a permis aussi de grandir dans ma nouvelle fonction... et de poursuivre ainsi ma formation.

J'ai enchaîné une semaine plus tard sur une colonie de vacances. J'ai pris le soin d'éviter les erreurs commises par le passé puisque l'un des directeurs de l'association Arvel m'avait contacté dès le mois d'avril, m'assurant une préparation optimale. A la préparation à Roanne, l'ambiance était conviviale, assez détendue. Cela présageait une bonne entente au cours du mois d'août, contrairement aux années précédentes, plus difficiles. C'était sans compter sur l'inscription très tardive de beaucoup de jeunes en difficulté familiale ou issus de foyers. Je connaissais donc ce type de public pour la troisième année consécutive, au mois d'août et il m'est apparu de plus en plus clair que notre formation d'animateur (plus encore que celle de directeur) ne nous prépare pas à accueillir ces jeunes. Les foyers ferment leurs portes au mois d'août et beaucoup de ces jeunes se retrouvent sans rien. L'année précédente, j'avais dû appeler les services du Conseil Général de l'Isère un 15 août et attendre plus de deux heures avant qu'une jeune fille inscrite sur le séjour en Costa Brava puisse venir... déposée par un taxi, avec uniquement du linge dans sa valise, en désordre. Aucune adresse.

J'étais donc dans un chalet des Gets en ce mois d'août 2009. L'équipe d'animation a remarquablement oeuvré, a été solidaire entre elle, et à trois avec vingt-cinq jeunes (soit la moitié de l'effectif des CIJE pour autant de jeunes), nous avons tenu tant bien que mal la baraque. Tout est dû à ces jeunes qui ne se lèvent pas de table, ne mettent pas la table, ne font pas la vaisselle et ne débarrassent même pas les couverts, ne font pas leur lessive, s'insultent, se bagarrent presque en permanence... Alors inutile de demander quelconque préparation. Le contexte montagnard, feutré, la confiance donnée par l'équipe d'encadrement (beaucoup d'habitués) a permis de tenir le cap mais comme l'année d'avant j'ai attendu la fin avec impatience, qui ne débouchait pourtant pour moi (que) sur une période sans emploi et la fin de thèse.


Partie de Uno
Zone de baignade de Montriond-le-Lac (Août 2009)

Et le camp dans tout ça à Montriond ? Nous pensions, à tort, qu'à l'écart du chalet où beaucoup de jeunes cassaient ce qu'ils trouvaient sur leur passage, nous allions nous retrouver dans un environnement où la vie redeviendrait possible. Pourtant, sur ce site des Albertans, où j'ai fait la connaissance des jeunes du MEJ (Mouvement Eucharistique des Jeunes), nous n'avons rien pu ou su faire. Nous sommes restés quatre jours, ce qui s'appelait à l'époque mini-camp et le temps ne fut pas de la partie non plus. Contrairement aux CIJE, il n'y a pas de tente pour faire la cuisine ni de marabout pour l'association. Je me souviens de la distribution de pain dans une tente où étaient entassés dix jeunes, en guise de petit déjeuner. J'avais honte. La journée, lorsque le temps sec était enfin revenu (un jour et demi plus tard), il y avait bien quelques jeunes qui faisaient une partie de volley mais nous n'avons absolument pas profité du site. Les jeunes du MEJ étaient partis en raid et nous étions seuls sur le camp. Le retour au chalet a finalement fait du bien à tous...

J'ai achevé en ce mois d'août 2009 ma dernière expérience d'animateur en colonie de vacances. En une trentaine de séjours d'animation à ce jour, je n'ai pas rencontré de public plus difficile à encadrer. Les Salésiens de Don Bosco disent qu'il faut accueillir chaque jeune comme il est, qu'il faut éprouver de l'affection et voir ce qu'il y a de bon en chaque jeune. Là, ce fut au-dessus de mes forces. Il y avait tant de différences au niveau éducatif que nous ne pouvions rien retirer d'un groupe d'ados mal dans leur peau, sans projets, dans le souci permanent de se battre pour s'affirmer, ne voyant que le négatif autour d'eux. Il n'y avait d'ailleurs pas de groupe... ou alors il aurait fallu que les activités dites de consommation (rafting, équitation et quad) durent tout le séjour... ce qui n'était pas le projet. Parmi eux, il y avait pourtant des jeunes adorables, que j'ai eu le plaisir à retrouver l'année suivante sur le même site mais en étant passé du côté du MEJ.

Heureusement, tout s'est très bien passé avec l'association Arvel, très sérieuse et très accueillante, aux Gets et à Montriond. J'ai semé d'ailleurs en ce mois d'août une graine dont je me suis servi l'an passé pour poursuivre ma formation de directeur d'accueil collectif de mineurs.

Saint-Jeoire-en-Faucigny et Montriond-le-Lac (2010) : emporté par la foule.

2010 est une année où tout s'est enchaîné très vite, jusqu'à mon départ pour l'Espagne. La formation de directeurs d'Accueils Collectifs de Mineurs (BAFD) requiert quatre étapes contre trois pour la formation d'animateur (BAFA). Je reviens toujours dans les lieux où j'ai pris du plaisir, qui m'ont permis d'avancer. Ayant vu le camp du Mouvement Eucharistique des Jeunes en 2009 à Montriond, je me propose dès février pour en être le directeur. Je ne savais pas alors que ce choix qui me permettait de valider les quatre sessions de formation allait se révéler néfaste pour la préparation des Camps Inter-Jeunes de l'Est.

Au sortir d'une année 2009 marquée par une soutenance de thèse réussie, après soixante-quatorze mois de recherche, j'ai entamé 2010 dans l'inconnue la plus totale. Je parviens à la construire grâce à mon parcours d'animateur - directeur et c'est aussi ce parcours qui m'a permis de partir en Espagne en Service Volontaire Européen. Je ne suis guère motivé par des emplois permanents derrière un bureau, même s'ils sont bien payés, sans avoir un contact direct avec le terrain et les acteurs.

J'ai rejoint le Conseil d'Administration des CIJE et ma mission est essentiellement d'aider le Webmaster de l'association à renouveler le site Internet. Je compte effectuer un dernier camp, le camp vélo, alias Tous Chemins, dont je pense qu'il me correspond le mieux parmi les quatre. Je ne l'ai pas encore encadré et j'étais très emballé à l'idée de le diriger. Les inscriptions ont été très tardives, insuffisamment pour permettre à ce camp de vivre tout seul. Les jeunes sont quand même venus vivre leur projet, associés aux jeunes de la même tranche d'âge qui viennent pour prendre de bonnes vacances et participer à des services en maison de retraite et pour l'environnement. Pourtant, la préparation du camp du Mouvement Eucharistique des Jeunes, au mois d'août, m'a pris beaucoup plus d'énergie car il s'agissait-là de ma première expérience de direction complète (gestion administrative, comptabilité, intendance, transport des jeunes). J'ai donc inconsciemment négligé la préparation du camp de juillet et cela s'est ressenti sur le terrain.

Pourtant, sur le terrain justement et du fait des informations dont je bénéficiais au sein de l'association, j'avais vraiment le sentiment que tout allait tourner pour le mieux. J'avais visité les terrains, reconnu les environs comme chaque année mais cette fois à deux reprises, écrit le projet en pensant que j'allais bien affronter la difficulté. Je n'avais jamais eu jusque là une équipe aussi nombreuse (sept animateurs), à l'exception de mon expérience à "La Joie de Vivre" (Verrières-en-Forez, août 2007) mais j'étais alors animateur stagiaire, membre d'une équipe de plus de vingt personnes. Les réunions étaient interminables. A Saint-Jeoire-en-Faucigny, nous avons bénéficié d'un cadre idéal et très confortable pour s'installer et préparer les camps. Comme en 2007 et en 2009, j'avais rencontré presque l'intégralité de l'équipe au lycée horticole de Pressin, pour préparer. Je me suis beaucoup trop focalisé sur la préparation du camp d'août pour relancer et motiver l'équipe de juillet dans la prépation des CIJE 2010. Nous ne manquions pas d'idées, nous nous faisions confiance et je pensais que la force de l'équipe, nombreuse, allait faire la différence sur ce camp. Je n'ai pas anticipé deux handicaps : nous ne nous connaissions pas sur le terrain et nous n'avions pas préparé suffisamment nos ateliers, surtout la première semaine. De plus, dans notre camp, tout le monde n'avait pas encore connu l'association et son fonctionnement. Lorsque l'on arrive sur un terrain et que l'on s'installe pour la première fois, il faut monter les tentes de la cuisine et le marabout (où l'on affiche tout un tas de choses utiles... au début, où l'on stocke les vélos si on en a, où on mange et on veille en cas de pluie). Et puis, il y a des trous à creuser pour les toilettes et les eaux grasses. Sans parler des douches et de l'étendage. Cette année, nous avions double ration, double montage et tout le monde n'était pas préparé à ça.

J'étais confiant pourtant. J'avais pris rendez-vous avec la responsable de la maison de retraite de La Tour et tout allait bien se passer, même si nous ne pouvions intervenir la première semaine. J'ai aujourd'hui 5 CIJE à mon actif, dont deux camps Horizon mais je n'ai paradoxalement mis les pieds dans une maison de retraite que ce jour-là. Plus encore qu'en 2009, le ciel n'était pas vraiment avec nous. C'est sous un ciel orageux que les jeunes sont arrivés, dont la majorité était destinée à camper sur le terrain où nous étions. J'ai eu une impression de chaos et de branlebas de combat à partir du moment où nous avons posé le pied sur le terrain, ou plutôt sur les deux terrains. Tout est apparu si vaste et si désordonné... Il était déjà tard et le ciel menaçait de nous tomber sur la tête. Après un discours de bienvenue, plutôt de circonstance, j'ai décidé de lancer la machine à monter les tentes sur près de quatre cents mètres de distance. Le terrain était caillouteux, composé d'alluvions, les sardines s'enfonçaient mal et deux tentes n'étaient pas en état. La préparation du repas a pris du temps, la veillée aussi et nous avons terminé déjà tard cette première journée.


Les premiers combats de Tous Chemins
Mieussy (13 juillet 2010)

J'ai compris à ce moment-là que tout allait prendre du temps, épuiser moralement et nerveusement l'équipe, installer le doute. Je savais aussi qu'il fallait que je me partage en deux, que je sois sur deux fronts en même temps. J'ai vraiment apprécié les premiers tours de roues avec Tous Chemins, ce que j'attendais depuis si longtemps. L'association m'avait annoncé pendant des années que je devais m'entraîner, que les jeunes venaient vraiment avec un moral à fond, et qu'il allait falloir suivre le rythme pour pouvoir s'éclater. Compte tenu des camps à préparer, je m'étais entraîné dans le Massif du Pilat, comme d'habitude mais je n'ai pas pu faire ce que je souhaitais. Pour la première semaine, nous avions prévu trois parcours sélectifs, qui allaient permettre de tester la forme de chacun, de se découvrir. Sur le vélo, l'état de forme ne trompe pas, il n'y a pas de triche. Les masques tombent rapidement. Dans ce groupe à 80 % masculin, sans compter nous trois spécifiquement dans l'équipe d'animation, j'étais au début bien à la peine. Le manque de rythme plus que les quelques kilos en trop était difficile à avaler. Les premières bosses, très caillouteuses, m'ont mis à la raison et m'ont fait comprendre qu'il fallait que j'encourage les filles, qui poussaient déjà leur vélo. Autant ce camp et ces balades variées étaient une respiration, autant je reprenais la marée en retournant sur le grand terrain avec l'autre camp.

L'équipe a placé les olympiades dès le troisième jour avec le feu d'artifice en clôture. Cette journée, prévue sans doute trop tôt sous le chaud soleil de Haute-Savoie, a mobilisé beaucoup d'énergie dans mon équipe. Elle a demandé de la préparation, de l'investissement et la suite de la première semaine s'en est ressentie. En prenant un certain nombre de photos, j'en ai déjà profité pour prendre du recul et laissé les animateurs manoeuvrer, comme il m'a aussi été conseillé en formation. Malgré cela, je sentais que tout était long. L'eau que nous devions aller chercher à la Salle des Fêtes coulait très lentement et peinait à satisfaire une consommation estimée à huit cents litres par jour dans le camp. Peut-être aurait-il été plus judicieux d'installer les tentes cuisine à proximité du point d'eau... quitte à sacrifier la très belle ombre du coin repas. Il n'y avait pas assez de bancs pour tout le monde, il était difficile de prêter attention à chacun lorsque l'on est quarante-six sur un même site.

Nos réunions s'achevaient très tard et nous ne trouvions pas beaucoup de temps pour prendre soin de nous, pour dormir suffisamment. J'avais pris le parti comme toujours de préparer le petit déjeuner le matin, pour laisser aussi reposer l'équipe et les jeunes et j'ai tenu le rythme. Lorsque les deux autres camps sont venus participer avec les membres de l'association au premier rassemblement inter-camps sur notre terrain, j'ai été partagé entre deux sentiments. Le premier était de pouvoir offrir un espace vaste, propre et bien organisé... mais le second était que cet espace était vide de couleurs, de projets, d'initiatives. Nous étions arrivés à la fin de la première semaine et j'avais l'impression que nous étions en retard, que nous n'avions pas permis aux jeunes de vivre le projet qu'ils attendaient. Seul le chantier environnemental a pu se réaliser, en mon absence, puisqu'il s'agissait d'un temps où j'accompagnais le groupe à vélo.

La deuxième semaine est arrivée et elle symbolisait l'heure du départ pour le camp Tous Chemins. Je suis passé alors d'un gros camp à quarante-six personnes à un petit camp de treize personnes, en coupant le téléphone portable. Je ne l'ai rallumé que pour m'apercevoir que la gestionnaire de la maison de retraite attendait un signe de vie de ma part. L'équipe d'animation s'est alors logiquement séparée en deux mais c'était sans compter sur les soucis mécaniques à répétition sur les vélos. Nous avons préparé un nouveau départ, en emportant l'essentiel pour la cuisine, et une bâche pour pouvoir poser les assiettes au sol. Nous sommes partis après trois heures de préparation et de réparation pour le terrain de football de Mieussy, situé à douze kilomètres mais avec une bosse à gravir sur une route relativement fréquentée. J'ai éprouvé une joie particulière à venir sur un terrain en petit groupe, à planter les petites tentes, à lancer la cuisine, à écouter les jeunes que je n'avais pas encore suffisamment écoutés. J'ai alors vraiment compris quel était le projet, les ambitions de ces jeunes sur deux roues.

Le lendemain matin, j'ai coupé le petit groupe en deux pour pouvoir bâtir les deux journées de "la boucle". J'ai rebaptisé d'ailleurs la boucle en "l"étoile", puisqu'il s'agissait d'effectuer des randonnées à vélo à partir d'un seul terrain de base. Souhaitant éviter les reliefs élevés et difficiles d'accès pour un groupe de niveau hétérogène, nous avons choisi de partir pour Sixt-Fer-à-Cheval et la Cascade du Rouget. L'étape du jour était de quatre-vingt kilomètres et permettait d'admirer des paysages magnifiques. La règle est de s'attendre à chaque intersection pourtant j'ai perdu de vue le groupe pendant une bonne heure, avant de le retrouver un peu plus loin. Nous nous sommes arrêtés pour pique-niquer près du Giffre et il est apparu évident que les jeunes avaient envie de se rafraîchir. Sans diplôme de surveillant de baignade, dans une zone de courant et au vu des actualités dramatiques récentes, je n'ai pourtant pris aucun risque, avertissant simplement les jeunes des dangers encourus. Nous avons atteint Samoëns puis Sixt après un long faux plat montant, en longeant le Giffre, en empruntant des passages techniques. Après une ascension difficile, sur une route large et sous le soleil, nous avons aperçu la cascade au loin, symbole de la fin de notre périple. C'est alors que la chaîne d'un jeune se brisa à deux cents mètres du but et que je n'avais qu'une pince multifonctions pour lui porter secours. Ce fut insuffisant. Les jeunes ont profité d'une heure au frais pendant que nous avons tenté de réparer. En vain.

A ce moment-là, au bout de la France, le directeur est loin de son bureau, de ses papiers, de son ordinateur. J'ai choisi de laisser redescendre le jeune accompagné par un animateur jusqu'à Sixt et de rentrer avec le groupe, à bonne allure. C'était sans compter sur une chute, sur les crevaisons et sur un retour sur le Giffre risqué. Le balisage n'était pas bon, la carte était imprécise. J'ai pris les devants sur un sentier relativement glissant, où il n'y a pas la place de deux vélos. Nous avons fini par atterrir près du Giffre sur un espace sécurisé et confortable. Le retour était assuré mais il était tard et il fallait rouler plus de trente kilomètres. Mon collègue a fait le train pour emmener le groupe jusqu'à Taninges. Epuisé, je l'ai alors relayé en donnant tout. Nous sommes rentrés à 20 h 15. La livraison de nourriture n'avait pas été effectuée car l'intendance m'attendait... pour une tartiflette ! Au camp de l'étoile, à Mieussy, près du terrain de football, les jeunes pouvaient alors se lancer dans les douches et moi dans la préparation des pommes de terres, des lardons et du reblochon.

Le jour suivant, toujours sous un chaud soleil, les jambes étaient lourdes. Les muscles n'avaient pas récupéré mais il fallait rouler quand même pour éliminer les toxines accumulées la veille. Le parcours de quinze kilomètres, avec plus de deux cents mètres d'ascension, a révélé la fatigue. Les jeunes, notamment les plus puissants, avaient déjà beaucoup tiré sur la corde. Après quelques achats entre Saint-Jeoire-en-Faucigny et Mieussy, l'heure était venue de vraiment se rafraîchir. Sur le pont du Diable, les jeunes aperçurent de jeunes baigneurs en contrebas qui se baignent dans une eau turquoise. Les vannes du barrage à l'amont pouvaient s'ouvrir, je ne voyais pas le fond, je choisis de refuser malgré la volonté de tous. Par chance, un peu plus loin, nous tombions sur un ruisseau assez abondant pour permettre à tous de se rafraîchir sans risque de noyade ou d'être emporté par le courant.

Le lendemain a marqué le retour sur le grand terrain, à La Tour, avec déjà pour optique la préparation de l'autonomie. Le responsable du matériel m'annonça un changement de temps. La fraîcheur et la pluie allaient succéder au beau temps sec. J'ai consulté l'équipe et les jeunes qui préféraient évidemment effectuer cette autonomie, accompagnée par un animateur, à cheval sur deux jours et donc dormir hors du lieu du camp. Avec trente-huit jeunes et donc pas moins de sept groupes, il m'était impossible de réaliser ce qui avait été fait en 2007 et 2008, à savoir partir à l'avance pour rencontrer les autochtones et voir s'il était possible d'utiliser le terrain pour camper à défaut de dormir chez l'habitant. Les différents groupes ont bien préparé leur affaire. Je savais que le temps ne serait pas avec nous mais qu'il fallait quand même partir, faire vivre le projet, réussir cette deuxième semaine après avoir partiellement manqué la première. C'était l'occasion de redonner une âme à un camp qui dès le départ était bancal.

Un groupe s'attaquait à l'ascension du Môle, un autre groupe partait à vélo pour monter à Praz-de-Lys et j'ai décidé de le suivre, comme un ultime défi. Nous sommes partis comme prévu après 14 heures mais nous avons mis du temps à nous équiper, à vérifier le matériel, ce qui a contribuer à condamner notre projet. J'ai prévenu les jeunes (les cinq plus forts du groupe) qu'il fallait absolument garder du jus avant l'ascension finale. La distance était de vingt-six kilomètres, ce qui n'avait rien de particulièrement effrayant.


Ascension de Praz-de-Lys depuis Taninges (extrait de Google Earth)

Quoi qu'il en soit, le profil de la route n'était pas régulier. J'avais averti l'association de la possibilité de nous livrer les tentes et les duvets, ainsi que le repas froid et le petit déjeuner à partir de 21 heures, au sommet de l'ascension. Nous n'y sommes jamais arrivés. Les poids n'étaient pas équitables. J'étais handicapé par un sac lourd mais malgré cette difficulté, j'ai entrepris l'ascension en compagnie du groupe de cinq dans de bonnes dispositions. La succession d'ennuis n'a fait alors que démarrer, jusqu'à rendre la montée complètement impossible. Dans la montée sur la route des Gets, un jeune a tout d'abord été malade et a manqué de jus. La pluie s'est mise alors à tomber et le ciel s'est obscurci. Nous nous sommes arrêtés une première fois près d'une ancienne auberge où nous avons pu nous abriter. A ce moment-là, la visibilité était toujours bonne et l'ascension possible. La pluie et la pente étaient tout à fait acceptables. Au tournant, nous avons dû faire face à un véritable mur de plus de dix pour cents. Il restait alors six kilomètres à parcourir, ou plutôt à gravir et là la moyenne horaire a brutalement chuté. J'ai passé le sac lourd à un autre jeune, qui semblait avoir des ailes mais qui devait se résoudre à la raison. Bientôt, nous allions porter les vélos alors que les premiers coups de tonnerre retentissaient. A ce moment-là, j'ai compris comme mes cinq compagnons qu'il fallait trouver refuge, même provisoirement. J'avais toujours en tête d'atteindre le sommet. Nous avons arrêté une première voiture qui nous a indiqué qu'un abri se trouvait un peu plus loin.

Trempés, nous avons attendu la fin de l'orage sous un petit kiosque qui disposait de quelques bougies. La pluie ne s'est pas arrêtée et nous avons finalement dû nous résoudre à faire demi-tour, une bonne heure et demie plus tard, après avoir tout tenté. Il n'y avait nulle part où planter des tentes, où manger, où se réchauffer et les propriétaires de la seule maison à proximité refusaient de nous héberger. Il n'y avait pas moyen de reprendre les vélos, surtout après s'être refroidi aussi longtemps. Nous sommes donc rentrés en mini-bus au camp principal, la mort dans l'âme et toujours sous cette fichue pluie qui s'est arrêtée une fois que nous sommes arrivés... Deux jeunes étaient malades, nous étions les seuls sur le camp, sans avoir envie de manger quoique ce soit. Une misère. Pendant ce temps, les autres groupes trouvaient leurs ingrédients pour préparer les crêpes, faisaient du troc, ou montaient tant bien que mal Le Môle à la recherche d'un abri de fortune, qu'ils ont fini par trouver au prix de longs efforts... 

Nous avons vécu une galère, la fin du camp a alors approché rapidement. Pour beaucoup, il était temps que tout se termine. Les jeunes n'étaient plus motivés, le retour sur le terrain du grand camp coupait les ailes mais il fallait quand même montré ce qui avait été vécu. Il fallait effacer ce qui avait été enduré, les difficultés de chacun et se concentrer sur la préparation du spectacle. Nous avons pu terminer le camp dans une ambiance plus paisible, plus festive aussi. J'allais enchaîner pourtant sur un autre camp, à quarante kilomètres de là, toujours sous la pluie...

29 juillet 2010, 18 heures. J'ai quitté les Camps Inter-Jeunes de l'Est pour le Mouvement Salésien des Jeunes. Cette fois, il y avait l'enjeu d'un deuxième stage pratique dans ma formation BAFD. Je suis presque parti comme un voleur et dans une certaine incertitude et inconnue. L'aventure était toutefois et enfin lancée. La pluie tombait assez fort, régulièrement, sous des éclairs et avec un ciel noir. Je suis parti récupérer le cuisinier et mes deux collègues du trinôme (Animateur Principal, chef de l'équipe d'animation et Animateur Spirituel) à Annemasse, après avoir roulé une heure et demie. Tout le monde était entassé dans la Twingo comme des sardines sauf moi qui avait le privilège de la conduite. Nous partions à peu près tous dans l'inconnue et la préparation s'est effectuée à tâtons. Le chalet en bois était petit pour dix personnes mais confortable et tout le monde avait fait le choix de dormir sous tente, malgré les lits disponibles ! C'était une question de cohérence, car il n'y avait pas dix matelas et que les jeunes dormaient aussi sous tente.

Les seules certitudes que j'avais concernaient la gestion de l'intendance et le site. Le fait de voir déjà les tentes montées et laissées par le groupe précédent me rassurait beaucoup. Il y avait aussi beaucoup de restes de nourriture non entamés, ce qui fait dire que la gestion des stocks n'avait pas été excellente mais tout cela nous avantageait finalement grandement dans notre préparation.

La veille de l'arrivée des jeunes, je ne me souviens que d'avoir rempli trois caddies complets de nourriture avec le cuisinier et d'avoir réussi à tout rentrer dans une Twingo. Il fallait ensuite passer par le fournisseur, ce qui nous a réservé quelques surprises au moment de la livraison des commandes. Je suis allé chercher les animateurs au compte-goutte à Thonon-les-Bains, avec l'aide précieuse d'une animatrice, à quarante kilomètres de là. Ce fut le tour des jeunes, avec deux rotations de minibus. A Thonon, la pluie ne nous lâchait pas. J'ai eu la surprise d'accueillir les premiers arrivants dans cette petite gare surchargée et de tomber sur le chauffeur d'un bus, fort énervé, persuadé que nous l'avions contacté pour emmener les jeunes... J'ai attendu une bonne heure un retardataire, dont personne ne savait où il était. J'ai mis toute la SNCF de la région au courant avant de prendre la décision de monter le premier groupe, un brin inquiet mais conforté par le fait qu'il n'y avait pas d'autre choix à faire...


Les jeunes font connaissance au repas
Montriond-le-Lac (2 août 2010)

Ce ne fut que le début de va-et-vient fréquents entre le camp et... ailleurs. Les jeunes ont fini par me surnommer Casper au milieu du camp, parce que j'avais pris en charge beaucoup de choses extérieures (relation avec les familles, médecin, programmation de la suite du camp) et que j'avais confié, indirectement, la responsabilité du camp à l'Animatrice Principale et au reste de l'équipe, composée de neuf personnes, avec qui je n'avais travaillé que trois jours. Les Salésiens de Don Bosco m'avaient enseigné la confiance intrinsèque que l'on donne naturellement à l'autre lorsque ses compétences sont reconnues et affichées. Cette confiance n'a jamais été trahie et notre trinôme a bien fonctionné, après quelques jours de rôdage, chacun dans ces tâches respectives. L'implication de toute l'équipe, la générosité et l'excellent état d'esprit des jeunes, même lorsque la météo ne fut pas de la partie, ont été exemplaires.

La pyramide de Maslow invite à se sécuriser et à satisfaire trois besoins primaires essentiels : le sommeil, l'hygiène et l'alimentation. Les deux premiers points étaient garantis de fait par le site, fonctionnel depuis plus de vingt ans. J'ai dû toutefois négocier la possibilité d'utiliser les douches avec les autres groupes, ce que je savais depuis l'été précédent. Mon véritable souci était celui que les jeunes puissent manger à leur faim. Sur ce point, j'ai été comblé par la présence d'un cuisinier excellent et très bien secondé. Il avait la capacité de transformer de la nourriture banale en un repas digne d'un chef quatre étoiles. J'ai très bien vécu ce camp, bien entouré, bien situé dans un décor prenant de temps à autre des aspects magiques. Le feu d'artifice de la Fête du Lac a pris des allures solennelles, surtout lorsque les lumières se sont reflétées dans les falaises calcaires de la montagne. Puis nous avons laissé les jeunes entre eux, dans cette foule de plusieurs centaines de personnes, ce qui a permis aussi de nous retrouver entre nous. A seize ou dix-sept ans, les jeunes ont aussi besoin qu'on les laisse entre eux.

C'est bien dans ce cadre, pur, net, sans artifice, où la nature prime, que je me suis ressourcé, profitant aussi du dévouement de tous, bénévoles. Cela n'avait rien à voir avec le difficile séjour de l'Arvel en 2009. L'Arvel était de retour et j'ai pris plaisir à revoir quelques jeunes au même endroit, auprès d'un feu de bois. L'ambiance était beaucoup plus paisible.

Comme sur chaque camp, il y a eu des moments marquants. La randonnée vers le refuge des Tinderets me reste gravée. Comme sur le camp vélo quelques semaines auparavant, j'ai vécu la même sensation de me libérer de l'ordinateur, de l'imprimante, des timbres et des factures. J'étais aussi accompagné de la moitié du groupe, l'Animatrice Principale ayant pris la responsabilité d'encadrer l'autre groupe. J'étais aussi fatigué par l'enchaînement de deux camps sans jour de pause. Cette difficulté s'est ressentie dans l'ascension vers Avoriaz, que j'ai découvert avec plaisir, puis vers le Col de Couti, à près de deux mille mètres d'altitude, dans un décor somptueux. La Suisse se révélait au bout du parcours, de l'autre côté.

La randonnée s'éternisait et le petit groupe commençait à douter de n'avoir pas encore aperçu le refuge. J'étais le seul détenteur du chemin, le seul à pouvoir indiquer le cap. J'ai pris alors les devants, comme si le capitaine devait être à la barre de son bateau pour arriver au port. En montagne, vous n'avez pas le droit de vous tromper de chemin car les abris sont rares, le temps peut changer très vite et les dénivelés sont importants. Je ne me suis pas trompé et pourtant le chemin était tortueux, difficile.

Cette randonnée sur deux jours a permis de découvrir un site coupé du monde. Nous sommes tous arrivés bien fatigués sur ce refuge si singulier. L'accueil a été royal. Il y avait des guides de montagne qui avaient autant de bouteille que de sympathie envers les visiteurs. Je me rappelle avoir été fasciné par la tyrolienne qui permet d'acheminer la nourriture sur deux cents mètres de dénivelé, parce qu'il n'y a pas de route. Ceci fonctionne même en hiver, par des températures glaciales. Nous avons porté sur notre dos la nourriture, les kilos de riz, le pain, les fruits et l'eau pour un repas froid, que nous avons pris sur une table qui faisait office de buffet au crépuscule. L'instant était magique mais les jeunes n'avaient pas si faim. Notre cuisinier a donc fait cadeau des quelques kilos de riz au refuge...

L'heure était au repos mais les guides m'ont annoncé que la météo, si clémente ce jour, sans le moindre nuage, allait franchement se gâter pour le lendemain. Nous n'avions pas beaucoup d'options en cas de pluie. Le lendemain matin, c'est effectivement sous un épais brouillard et sous la pluie que nous nous sommes réveillés. Des reliefs découpés de l'horizon nous ne percevions plus rien. Le petit hameau situé au pied des falaises, dans un univers minéral, et dont je me demande encore comment il pouvait être habité, avait disparu dans la brume. La veille, j'avais relancé et confirmé que nous dormions en refuge aux services départementaux de Haute-Savoie. La discussion au téléphone avait été assez tendue. J'étais convaincu alors que nous allions être inspectés, ce qui ne représentait pas un drame en soi, loin de là mais il ne fallait pas faire de faute. Si la pluie était trop forte, le retour allait s'avérer fort compliqué et par endroits dangereux pour la sécurité de tous... Il y avait l'option d'atteindre la première route au nord, le premier abri mais nous n'allions pas en finir dans les allers-retours d'une Twingo jusqu'au camp. Louer un mini-bus aurait été incertain et nous aurait coûté très cher. Il fallait donc rentrer.

Devant le temps, j'étais dubitatif. C'était le même temps qui s'abattait que celui qui avait condamné le petit groupe dans la montée de Praz-de-Lys en juillet. Mais là, je ne pouvais pas dire de venir nous récupérer en camion car l'organisateur était en banlieue parisienne. J'étais pensif. Les guides allaient m'apporter leur éclairage sur les sentiers à prendre sans crainte. Je choisissais alors de rentrer sous la pluie, avec un terrain glissant, sans savoir de quoi le temps allait être fait. Il n'y avait aucun abri jusqu'aux chalets de Lens, que nous ne pouvions apercevoir. Cela faisait partie des instants où il n'y a qu'un seul chemin qu'il convient de suivre. Nous sommes arrivés aux chalets mais nous nous sommes ensuite trompés de chemin et il a bien fallu un bon quart d'heure avant de s'en apercevoir. Heureusement, la pluie s'était arrêtée même si le ciel demeurait gris. Petit à petit, les nuages se sont déchirés, le ciel bleu est apparu et avec lui le paysage, l'horizon, qui nous permettait de rentrer sans problème. Le rêve était passé, j'allais retrouver ce que j'avais fui pendant vingt-quatre heures, à savoir ordinateur, imprimante et factures. J'avais aussi reçu une contravention pour excès de vitesse (56 km / h avec un radar mobile à Thonon) en plus d'une amende pour avoir garé le mini-bus sur un espace réservé aux bus... à la gare de Thonon.

Lorsque vous dirigez un camp de deux semaines et trente-sept personnes, vous commandez une machine difficile à manoeuvrer. La fin du camp était donc toute tracée. La messe du 15 août, sous une pluie continue, sentait la fin du camp. La pluie a plombé le moral de beaucoup de jeunes, plus motivés pour repartir à l'aventure après les efforts pour rejoindre les refuges, pour goûter aux joies du canoë et de la piscine lorsque le soleil était encore là. Au moment de clôturer le compte chez le fournisseur, une collègue directrice a la bonne idée de défoncer ma porte avant droite avec sa voiture... Heureusement, seule la porte a pris mais il était temps que l'histoire estivale se termine. Cela faisait beaucoup de frais engagés.
La pluie n'a disparu que lors des derniers moments, au cours d'une dernière veillée au feu de camp. Elle a disparu aussi pour nous permettre de replier et ranger les tentes au sec. Comme à l'aller, j'ai raccompagné un groupe de jeunes en mini-bus. A la différence de l'aller, le chauffeur était bien présent à Montriond pour ramener les jeunes à la gare de Thonon.

J'avais profité des derniers jours pour prendre un peu de recul et organiser la fin de camp et le rangement de tout le matériel. Je ne sais encore comment nous avons réussi, dans une organisation en tout point optimale, à tout faire pour être dans les temps, à la minute près. Pourtant, que ce fut dur de rentrer tout le matériel du camp dans le grenier du presbytère de Morzine, au troisième étage, au milieu d'une poussière incroyable et de meubles en tout genre. L'équipe était encore une fois extraordinairement dévouée et avait une confiance totale en mes prérogatives. Nous avions bien mérité, après avoir effectué un bilan sans concession du camp, de profiter d'une dernière soirée dans un restaurant de Morzine. Le lendemain, j'ai effectué le même tour qu'à l'aller, en passant par Thonon et Annemasse pour ramener les animateurs et en revenant ensuite à Montriond, j'ai déposé mon Animatrice Principale et le cuisinier à la gare routière. C'était la fin, j'allais être seul dans le chalet, face aux dossiers, aux affaires à ranger, à la cuisine. Le Service Volontaire Européen était au bout, à La Corogne, trois semaines plus tard. Une autre aventure allait commencer.

Bonlieu-sur-Roubion (2011) : pour le plaisir. 

Pendant le SVE, j'ai suivi l'actualité de l'association des Camps Inter-Jeunes de l'Est. J'ai choisi de laisser mon rôle d'administrateur à quelqu'un qui pouvait être disponible et présent sur le terrain français. J'étais toujours à disposition de l'association. La possibilité de diriger le camp vélo et seulement le camp vélo s'est présentée et j'ai accepté sans arrière-pensée. Terminant le projet à La Corogne le 15 juin, je savais que je n'allais pas participer à la préparation comme en 2007, 2009 et 2010 et que je n'allais pas aller sur place pour visiter les lieux de camps. Il est vrai que ceci avait surtout servi les quatre années précédentes à prendre de très belles photos, à défaut d'être franchement utile pour le camp. En 2010, j'avais toutefois une vision claire de l'installation du camp mais j'ai compris que celle-ci pouvait se faire rapidement, une fois sur le terrain.

Au fur et à mesure des inscriptions, il s'est avéré que j'étais le pauvre. Comme au cours des années précédentes, le camp vélo était loin de faire le plein. Je savais donc que j'allais gagner du temps à tous les niveaux. Moins de jeunes, c'est moins de rire, moins d'histoires à raconter, moins de moments à partager, moins de potentiel. Moins de jeunes, c'est aussi moins d'équipes, moins de temps pour préparer le repas, faire la vaisselle, remplir l'eau et moins de casses mécaniques. Onze jeunes au départ plus deux qui nous rejoignaient en cours de route, avec un trio d'animateurs, c'était le retour aux origines. Au cinquième CIJE, je connaissais désormais bien l'association et son fonctionnement. A Roynac, à dix kilomètres de Bonlieu-sur-Roubion, j'étais dans une bulle avec les jeunes. Nous craignions que le camp implanté au coeur du village soit un handicap dû à la proximité mais jamais nous n'avons ressenti de regard mal placé, de pression extérieure négative. Il y avait beaucoup de familles et la proximité du maire dans ce village qui nous accordait son hospitalité. A vélo, nous pouvions parcourir des kilomètres. A vélo, nous étions aussi fins pour passer au milieu des travaux, là où les voitures étaient contraintes à la déviation.

Comme à Mens en 2008, je n'ai pu réunir mon équipe que lors des trois jours de préparation avant de débuter le camp. Rapidement, j'ai senti la confiance qui s'installait entre nous. Nous étions autonomes dans nos prises de décisions. Un des gros avantages était le fait que les toilettes avaient été mises à notre disposition, grâce à la bienveillance de la mairie de Roynac. Nous avons pu utiliser ce mini-bloc sanitaire dès l'arrivée des jeunes. Nous avions aussi l'eau à disposition tout près. C'était donc la révolution par rapport à l'année précédente et cela a contribué à installer intégralement notre camp pour accueillir nos jeunes.

Un directeur ne peut être que satisfait dans ces conditions, lorsque tout est opérationnel sur le lieu de camp et en plus lorsque les jeunes sont motivés et enthousiastes. Ceci a fait que le groupe s'est rapidement formé et que les jeunes ont vite adhéré à notre projet. Fidèle au souhait de la direction de l'association, nous avons réalisé des activités "nature" de qualité et profité de l'environnement pour mieux l'observer. Les premières crevaisons sont apparues mais la solidarité entre tous a vite fonctionné. L'intérêt du camp, c'est que vous n'êtes pas tenus par des horaires fixes puisque vous créez vous même vos activités (avec les jeunes) et que vous pouvez vous déplacer librement. La pluie a quelque peu contrarié nos plans à la journée. A Marsanne, à quelque six kilomètres de Roynac, nous nous sommes ainsi aperçus que nous avions oublié nos couverts pour le pique-nique. J'ai compté sur la présence d'un animateur fort dévoué et volontaire pour les récupérer. Le soleil est revenu dans l'après-midi pour nous permettre de visiter les merveilles médiévales de la région (château de Marsanne et La Laupie).


A vélo, Tous Chemins est toujours le plus fort
Bonlieu-sur-Roubion (24 juillet 2011)

Trois jours durant, nous avons joué au chat et à la souris avec la pluie. L'épisode orageux de Mens m'avait marqué et j'ai cru l'histoire se répéter lors de l'ascension du col du Devès, peu pentu, un peu plus long mais sous un temps menaçant avec quelques jeunes en difficulté à l'arrière. L'orage n'est pas tombé. La pluie a par contre condamné le Pélé à l'essentiel. Nous avons éprouvé du plaisir à retrouver les autres camps mais nous savions que le lendemain nous allions enchaîner sur une autre dynamique, changer de terrain. Le temps était venu que les jeunes prennent les choses en main. Nous leur avions offert les premières veillées, avec une veillée conte chez les plus jeunes que j'avais initiée mais où j'ai pu compter sur la formidable participation des deux équipes d'animation. Tous Chemins était prêt, dynamique et volontaire. L'installation, pour deux jours seulement, sur le terrain de La Ferme Sauvage à Puy-Saint-Martin n'a pas modifié la donne. J'ai retrouvé là-haut, sur les contreforts des montagnes environnantes, l'ambiance de camp que je préfère. La vue était superbe. Il n'y avait que le bruit des criquets. La cuisine était préparée avec l'essentiel. Nous composions aussi avec une citerne d'eau un peu récalcitrante, dont le branchement était sommaire, avec un fonctionnement par vanne. Cette ambiance franchement campagnarde, à la bonne franquette, j'en avais presque rêvé. La propriétaire m'avait expliqué en détail le fonctionnement de l'eau, m'avait conseillé pour l'installation des jeunes. Je ne pouvais espérer meilleure situation.

Sur ce terrain, seule l'eau potable faisait défaut. Il y avait tout et surtout une âme de camp. Nous profitions aussi d'un autre terrain, situé sur la commune de Roynac, dont le propriétaire semblait sorti d'une autre époque. Vieille ferme, cigarette au bec, béret, vieux journaux pour allumer le feu, ce cher monsieur avait le coeur sur la main mais était l'antithèse des lois qui régissent aussi la vie d'un accueil collectif de mineurs sous tente. Nous avions donc trois terrains, dont deux étaient situés quelque peu en hauteur, après un sentier d'accès suffisamment pentu, caillouteux et long pour se faire désirer. Les jeunes allaient eux-mêmes aménager leur camp. J'étais le chef d'une grande famille et j'étais venu pour vivre ça. En plein milieu du camp, j'annonçais aux jeunes, enthousiastes, que nous allions être les seuls à voir passer le Tour de France, à Nyons. Nous n'avons pourtant jamais vu le passage des cyclistes professionnels. Le lendemain de notre installation à Puy-Saint-Martin, la pluie a plombé le moral de beaucoup. J'ai choisi d'être prudent et de ne pas lancer les jeunes à la recherche du Tour, quarante-cinq kilomètres plus au sud. La journée qui a suivi m'a enseigné que ma décision aurait pu être autre, puisque le soleil a fait son apparition franche deux heures plus tard. Cela dit, qu'en aurait-il été du groupe sur une distance de près de cent kilomètres ?

J'ai donc fait une croix dès le matin sur le Tour et réfléchi à une autre solution avec l'équipe. Les jeunes avaient fait le choix de ne dormir que deux nuits à Puy Saint-Martin et j'étais à la recherche d'un coup, d'une histoire à vivre qui puisse répondre au projet pour lequel ils s'étaient inscrits. Sans avoir la grandeur de la chevauchée fantastique menant à la Cascade du Rouget en 2010, la journée allait quand même marquer les esprits et les organismes. Pourtant, ce jour-là et pour la première fois depuis le début du camp, la mécanique a eu du mal à se lancer et j'ai dû pousser le groupe à se motiver. Il fut un temps où Tous Chemins était itinérant, démontait et remontait son camp au quotidien. Nous sommes partis tard et au moment où la pluie revenait. Elle donnait le signal du départ mais cette fois, je savais qu'elle serait brève. Pourtant, nous allions à l'est, vers les montagnes, vers la grisaille, sur une route sinueuse mais confortable. Le rythme était assez élevé et la fatigue allait se révéler. Sur cinquante et un kilomètres, il est question d'endurance plus que de muscles, de fraîcheur physique et de gestion de rythme. A quatorze ou quinze ans, c'est contradictoire. Sans casse mécanique majeure, nous étions dans les temps de passage prévus, du côté d'Eyzahut. C'était sans compter sur une crevaison qui faillit nous poser problème. La descente sur Poët-Laval, technique, à travers les montagnes calcaires, n'était pas sans rappeler la quête du Giffre et de Sixt l'année précédente. En queue de peloton, j'étais un peu inquiet des difficultés techniques rencontrées par quelques jeunes. Un animateur avait dû rester au camp pour veiller sur un jeune en gros manque de sommeil, pour préparer aussi la cuisine...

Il m'avait confié une chambre à air. Sur le chemin, cet objet s'est révélé précieux mais nous n'avons pas pu rejoindre Le Poët-Laval avant 19 heures. Il était tard et je savais que les jeunes n'allaient pas apprécier le retour... et de ne pas visiter ce site magnifique. Quel sentiment bizarre de devoir impulser le groupe à un endroit prévu pour s'arrêter. Il fallait toutefois rentrer avant la nuit, et il restait vingt-cinq kilomètres à accomplir, avant la montée finale, en prenant le vent de face. Je savais que les jeunes allaient souffrir sur le vélo mais ce groupe pouvait encaisser un tel combat. Je n'avais aucun regret. Ne pas vivre d'émotions sur le terrain après avoir déménagé le camp pour deux jours aurait été un aveu d'échec et un signe de désintérêt. Lancer les jeunes sur la route plus tôt, après le déjeuner, aurait été manquer de respect vis-à-vis du rythme biologique de chacun. Certains jeunes avaient aussi besoin de se mesurer entre eux, de tester leurs limites, de vivre une aventure. D'autres avaient besoin de se surpasser. Je savais que nous allions arriver en ordre dispersé, que nous allions dormir sans avoir pris de douche, que nous n'avions pu les ressources mentales pour veiller. Je savais aussi que le repas du soir allait être salvateur et que les deux cuisiniers seraient mis en valeur. Le coup était calculé.

Comme l'an passé, le retour sur Roynac était comme un soufflé qui dégonflait. Le temps de l'autonomie allait arriver. Je savais aussi que l'excellente dynamique du groupe ne serait pas éternelle et que l'autonomie n'allait pas arranger cette situation. Le projet primait avant tout et le camp commençait à toucher du doigt sa fin. Avec mes deux compères animateurs, nous avons encouragé le projet de la forêt de Saoû, qui consistait à aller planter les tentes à mille six cents mètres d'altitude. Le passé allait ressurgir et condamner ce projet qui n'a pas eu la faveur des jeunes. Dans l'équipe, nous souhaitions nous y rendre le troisième jour, pour lancer le groupe. Les difficultés rencontrées par certains jeunes sur le col du Devès nous y avaient fait renoncer. En début de camp, il n'était pas le moment de séparer les jeunes mais au contraire de fédérer un groupe autour d'un objectif commun. Nous pensions donc que les plus forts allaient opter sur cette autonomie. Quelques jeunes présents l'année dernière étaient revenus. L'un d'entre eux avait gardé en mémoire le cauchemar de la montée de Praz-de-Lys et la pluie interminable. Sans doute, en présentant la pente et le mystère qui entourait la forêt, j'avais aussi été marqué par cet évènement malheureux.

Cette fois, étant sans doute pénalisé par quelques kilos superflus et ne pouvant passer la vitesse supérieure par rapport aux meilleurs, je n'avais pas les moyens physiques de tenter l'ascension de la Forêt de Saoû et d'accompagner les jeunes. Je ne pouvais donc me permettre de les retarder s'ils avaient choisi le projet. Il fallait aussi que je laisse la place à mes collègues, qui avaient montré tant de volonté depuis le début. Je fus donc un peu déçu de voir que ce projet n'avait pas été retenu mais finalement, en faisant du troc, en récupérant des ingrédients pour faire des crêpes, les groupes ont bien vécu leur autonomie. Quant à moi, j'accompagnais le groupe qui devait distraire par des sketches les habitants de Montélimar. Le soir, je savais que le terrain de La Ferme Sauvage était accueillant, deux jours après l'avoir quitté. Contrairement à l'an passé, les lieux de couchage étaient sûrs d'entrée : il y avait trois groupes et donc trois terrains disponibles (deux à Roynac avec le camp et le deuxième terrain, où s'était déjà déroulé un excellent "Douaniers Contre Bandits" à l'ancienne - et celui de La Ferme Sauvage). Je n'étais pas non plus inquiet de savoir qu'un groupe partait à l'aventure, à l'improviste sur ce domaine-là... en plaine.

Je me retrouvais donc sur le projet le plus sportif, le plus difficile. Malheureusement, malgré la bonne volonté des jeunes et au contraire des deux autres, le projet de Montélimar s'est avéré être un fiasco complet. La ville a encore révélé des personnes pressées, stressées, n'accordant que peu de place à la surprise. Nous avons donc choisi rapidement de rentrer à la campagne, plus accueillante, plus calme, plus libre peut-être aussi. A La Ferme Sauvage, nous n'avions plus qu'à planter trois petites tentes. Nous étions dans l'après. Le retour à Roynac de tous les groupes sentait donc vraiment la fin de camp. Il restait la Godspell à préparer qui était cette fois encadrée et menée de main de maître par un animateur référent. Les jeunes avaient peu choisi les thèmes mais ils allaient sacrément entraînés. Avec le chant, la danse et l'expression corporelle, notre groupe a mis beaucoup d'ambiance et a permis à l'assistance formée comme d'habitude par les parents et les élus de vivre un bon moment, reflétant bien notre camp. Cette journée fut l'occasion, grâce à tous les camps, d'en envoyer plein la vue. Notre camp était encore là à la veillée, en proposant un jeu pour tous à vélo. J'étais vraiment heureux de voir ce que nous avions pu proposer, de ce que mes deux collègues avaient mis en place, de la participation très active des jeunes et de l'implication des parents dans la partie.

Malgré son caractère moins sportif qu'il y a quelques années, je voulais que Tous Chemins respecte certains aspects traditionnels. A vélo, il est plus facile de se déplacer et nous avons mis un point d'honneur à rendre visite à tous les camps. Le 14 juillet, pour communier et pallier aussi le fait qu'il n'y avait pas de feu d'artifice (une première depuis 2007), nous avions choisi d'aller rendre visite à deux camps. Il nous restait donc le camp des plus anciens à voir, l'avant-dernier jour. Clairement, les jeunes étaient très partagés. Nous étions sur la fin de camp et déjà dans l'après pour pas mal de jeunes, qui avaient d'autres projets de vacances. Le camp des plus âgés était loin (vingt-cinq kilomètres) et la visite à La Touche, au sud, ne faisait pas l'unanimité. En laissant l'opportunité aux jeunes de choisir, je savais que le groupe entier ne partirait pas. Je savais aussi que Tous Chemins, même incomplet, serait représenté. C'était bien là ma volonté même si, en tant que directeur, je me suis clairement offert un privilège en accompagnant le groupe avec un collègue. Le groupe était composé des jeunes les plus puissants. Ils n'étaient que quatre. La vitesse était décuplée par rapport à l'accoutumée et j'ai souffert du rythme, même si j'avais retrouvé ma bicyclette ce jour-là. Jamais jusqu'à présent nous n'avions roulé de manière régulière et soutenue à près de quarante kilomètres par heure sur les grandes lignes droites de la plaine de la Valdaine. A l'arrivée, une heure et demie plus tard, un nouveau Poule-Renard-Vipère nous attendait, cette fois autour et dans un cimetière (!). Il nous fallait rentrer après un bon goûter.

Il y avait peut-être un jour de trop. La perspective du retour fut difficile pour certains jeunes et nous avions beaucoup donné sur le terrain ou dans l'animation. J'ai apprécié le fait que certains jeunes, anciens scouts, étaient maîtres du barbecue. Je me suis régalé à voir la volonté de tous à préparer un bon repas, à bien manger. Pour la dernière veillée, nous avons mis le son trop fort et cela n'a pas plu à certains riverains. Cela ne nous a pas empêché de nous cacher dans les buissons du village, avant de dormir à la belle étoile, pour une fois en ordre dispersé. 

Nous avons terminé le camp en étant solidaires. Nous nous sommes rencontrés, nous avons fait corps, nous nous sommes fait plaisir, nous avons fait un bon camp. Une année passée en Espagne m'a appris cela : vivre, c'est se donner les moyens du plaisir. Retournerai-je camper avec les jeunes en France après trente ans ? Peut-être. Ce cinquième CIJE consécutif offre quand même une belle conclusion.

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