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Laisser le charme agir

Nous sommes bien des êtres humains, et non des extraterrestres. Il s'agissait d'une réflexion de la Professeur de Français du secondaire (Educación Secundaria Obligatoria), et cela s'est confirmé cette semaine. Parce que les êtres humains peuvent être charmés.

J'ai passé pas mal de tests d'espagnol fictifs, qui m'ont fixé une nouvelle fois au niveau B1 sur l'échelle européenne des niveaux de langue, c'est-à-dire au niveau intermédiaire. Il me reste du chemin pour arriver jusqu'à la maîtrise complète (niveau C2) mais pourtant ce niveau suffit à faire illusion auprès de tous les non-espagnols. La différence est effectivement difficile à percevoir, car une personne dont le castillan n'est pas la langue maternelle se raccroche aux mots, à l'élocution et aux gestes associés à la parole pour comprendre. Les natifs perçoivent beaucoup plus facilement l'écart et il est donc impossible de se cacher à leurs yeux : je ne suis pas espagnol. Alors j'ai pris le problème à l'envers et je me suis dit que le français natif, langue maternelle, était révélateur de différence et donc de richesse. Depuis cette prise de conscience je n'en suis que plus heureux de vivre ce parfait et permanent décalage car quelque part, j'ai toujours eu soif de différence avec mes compagnons.

Cultiver la différence.

Jusqu'en 1998, j'ai toujours été plus jeune que mes collègues écoliers. Lorsque Julien F., mon ancien camarade de classe, a publié les photos de classe du collège sur Facebook, je suis parti à la recherche de mes anciens camarades. J'ai alors revu peu à peu des visages familiers, enfouis dans les souvenirs, avec douze ans de plus... mais aussi très fréquemment la présence de petits bébés à leurs côtés. Je ne compte plus désormais les jeunes parents : Charlotte, Nicolas, Céline, Elodie, Sébastien B. et C., Aurélien, Emilie, Séverine B. devenue C., Séverine P., Pascal, Cédric, Benjamin... Tous ou presque ont la trentaine aujourd'hui et je me suis dit que je relancerai la chanson de Patrick Bruel "Place des Grands Hommes" au retour au pays. Plus les jours passent (109ème jour en Espagne, 53ème à La Corogne), plus l'envie de jeter l'ancre ici est profonde. Non pas que je fuis la France mais peut-être pour continuer à cultiver cette différence souvent valorisante.

Le fútbol comme langage universel.

Ce qui m'a charmé assez vite aussi, c'est de voir les multiples parties de football improvisées dans la rue, dans une cour depuis le premier samedi à La Corogne. Partout, le samedi après-midi, il y a des jeunes avec un ballon. Dès la première partie, je suis resté bouche bée devant la recherche de qualité technique, le plaisir du jeu, de l'attaque placée des Espagnols, même chez les plus jeunes, même dans la rue. On n'a beau jeu justement de louer le tikitaka du Barça, des ères Cruyff, Rijkaard, Guardiola ; ou encore de la Selección championne du monde et d'Europe. Ce football existe-il dans la rue ? Les Espagnols l'ont-ils dans le sang ou se nourrissent-ils des styles de jeu victorieux du Barça et de la Roja ? Toujours est-il qu'il est vraiment plaisant que de se confronter chaque semaine à ce jeu léché, fait de passes courtes, sur le patio du Collège Andaina et d'essayer de le contrer. Mardi, il y eut même une véritable partie de football dans le cadre du cours d'Education Physique, avec une pluie de buts et de beau jeu.

Aujourd'hui, j'ai voulu filmer un petit moment d'une partie à Pontevedra. Bizarrement, dans ce match officiel, joué devant une tribune bien garnie, le ballon a parfois décollé du sol. Le gardien en a même fait une boulette...




Extrait d'une partie de football à Pontevedra
6 novembre 2010


Jeudi, avec Alice, nous étions convoqués à la Fondation Paideia, dans le centre de La Corogne, pour y rencontrer les deux autres ravissantes jeunes volontaires de Padrón. Le matin, je n'arrivais pas à aligner une phrase correcte en castillan et sans le voir écrit, le galicien me paraît encore très difficile à entendre... d'autant plus quand le jeune José, atteint du syndrome de Dawn, colorie laborieusement un dessin fait pour des jeunes d'Educación Infantil... La vie n'est pas triste à Andaina. Les blagues arrivent tous les jours. Nicolas, de 6° EPO (équivalent de notre 6ème), s'enfile une papelera (poubelle à papiers) sur la tête... et tombe ! Breixo, de 2° ESO (équivalent de notre 4ème), s'enferme dans une table à clown, là où les épées sévissent ! Nous avons goûté au plaisir de la dégustation à la taverne de la Plaza de Maria Pita : salade composée, tortilla, empanadas, croquetas, vin rouge, poulpe et mousse au chocolat. Un délice !


Menu d'une taverne de Pontevedra
6 novembre 2010

Hier après-midi, ce fut mon premier cours particulier de français avec Lucas, Nicolas et Martiño, enfants de professeurs de langues. Vendredi, c'est jour de fiesta, je n'ai donc pas voulu en rajouter davantage. Les exercices écrits sont inutiles en ce jour sacré pour les jeunes. Retour donc aux fondamentaux de l'animation : le jacadi, alias Simon dice, et un Pierre-Paul pour bien maîtriser les chiffres. Quelque temps auparavant, j'avais découvert la version espagnole de la Balle aux Prisonniers, alias le Brilé.

Pontevedra, un havre de paix sur la route du Portugal.

Charmé, je l'ai été aussi par Pontevedra. La ville est située dans les Rías Bajas (ou Baixas, en galicien), à vingt-six kilomètres au nord de Vigo, et à cinquante-quatre kilomètres au nord de la frontière portugaise. La ville faisait partie de mon programme de visites, mais je ne pensais pas m'y rendre en novembre. J'hésitais entre Saint-Jacques-de-Compostelle (Santiago de Compostela) et Lugo. Il y avait la visite de Benoît XVI et la messe donnée en la cathédrale. Mais j'ai préféré éviter la foule, immense paraît-il, ainsi que Lugo, qui me contraignait à un réveil franchement matinal, autrement dit une madrugada. Je n'ai pas été déçu du voyage.


Quand le moderne supplante l'ancien (Pontevedra)
6 novembre 2010

Pontevedra a finalement tout pour satisfaire mes envies. A taille franchement humaine, elle ne verse pas dans le gigantisme tout en étant suffisamment solide pour être capitale de province (l'équivalent de nos départements). Pontevedra signifie "vieux pont", du fait de la présence du "Pont du Bourg", le plus ancien de la ville, peut-être romain. Elle est bien moins peuplée que Vigo, qui fut sa rivale de part sa position de port s'ouvrant sur l'Atlantique. Le port de Pontevedra s'est ensablé, entraînant donc le déclin du commerce, comme à Betanzos. Il y a donc une petite fenêtre ouverte sur l'océan, qui s'ouvre petit à petit à l'embouchure du fleuve, pour laisser apparaître l'infini.

Par rapport à Ferrol, la ville a un charme incomparable. Tout d'abord, elle est franchement plus animée, du moins de jour. La météo était meilleure qu'il y a deux semaines, il est vrai, mais Ferrol ne possède pas un quartier historique médiéval aussi riche. C'est bien dans ces maisons colorées, aux petites lucarnes, dans ces ruelles tordues et pentues, dans ces tavernes improbables, que je recherche l'authenticité. Il y règne un soupçon d'imperfection qui ne fait pas de ce quartier l'égal de Pérouges, ou de Sainte-Enimie, qui m'ont laissé des souvenirs magiques mais il y fait franchement bon humer l'odeur des tapas au coucher du soleil. La tranquillité et l'amabilité des citoyens fait plaisir à voir. Lorsque la partie historique est terminée, je me laisse envoûter par le dédale de ruelles pour sortir du vieux quartier. J'ai encore croisé les compagnons fidèles de la Galice : le matou et la mouette, jouant à cache-cache. Au coucher de soleil, l'image du train qui part vers La Corogne, d'un fleuve coulant des jours heureux sous les ponts multiples, d'étudiants s'adonnant aux joies du football et du jogging près de l'Université donneraient presque l'envie de rester encore un peu plus. A une dizaine de kilomètres, les montagnes apparaissent, laissant entrevoir des vues splendides sur l'océan... Bientôt le Portugal apparaîtra sous mes yeux.

Dans quelques heures, partie de paddle au programme. Avec Alice, ma jeune colocataire italienne, nous cultivons aussi le sens de la différence, surtout en fin de semaine. Je vis le jour et elle la nuit, ce qui fait que nous ne nous croisons que très peu... Elle n'est en pas moins... charmante.

Par ici la suite ! Galicia (14 novembre 2010)

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