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Haute-Savoie, une transhumance vitale

Le géographe ne peut y être insensible. C'est le coeur montagneux du Vieux Continent. D'où qu'il soit, et à plus forte raison s'il y est né, cet individu trouvera là mille raisons de travailler, de respirer, de s'y ressourcer. Depuis la Loire, il faut monter à un balcon pour les voir. Dans de nombreux guides touristiques, le Mont Blanc apparaît comme the place to see à défaut d'être the place to be, quand même réservé aux gens chevronnés. Mais il n'y a pas que lui. Au cours de ces trente-et-une premières années, j'ai déjà parcouru pas mal le massif ou plutôt, les massifs. Plutôt que de faire une chronologie de tous mes séjours, j'ai choisi de me concentrer sur chacun des bouts de ce grand croissant, dont je n'ai connu pour le moment que la version française ou presque.

Le Chablais, une montagne verte et bleue, très proche de la Suisse.

Tout au nord, c'est le lac Léman ou le lac de Genève. Et cette partie-là des Alpes, je l'ai connu principalement en 2010. J'ai déjà relaté certaines aventures dans un post précédent (Souvenirs de camps). Ce qui frappe lorsque l'on vient du bord du lac, c'est la rapidité à laquelle on accède à la montagne. Il n'y a en effet que quarante kilomètres qui séparent Thonon-les-Bains de Morzine mais l'ambiance montagnarde ne nous quitte pas. Très vite, la route se tord. La Dranse, qui vient du pied du Roc d'Enfer, est une très belle rivière, très vive, pour pratiquer le rafting. Le massif se prête bien à ce type d'activité. Les pentes sont parfois importantes et le climat, plutôt humide et frais, permet d'avoir une bonne alimentation en eau des rivières. Alors c'est vraiment rafraîchissant.


Le lac de Montriond et le Roc d'Enfer
Juillet 2010

C'est un pays où le vert et le bleu dominent assez largement. Les chalets savoyards prennent leur part dans un décor qui rappelle furieusement la Suisse toute proche. Sur les terres d'Abondance et de Châtel, les connexions sont d'ailleurs possibles. Ce sont d'ailleurs des histoires d'eaux qui me reviennent en mémoire. Celle d'un retour très compliqué avec le groupe de jeunes du MEJ, par ailleurs vaillants et fidèles, un matin d'août 2010. Et cette décision de prendre le chemin du retour, après une nuit au refuge des Tinderets, une sorte de bout du monde, alors que la pluie tombe à verse. Ce jour-là, j'ai dû recevoir la bénédiction du guide de haute montagne et des cieux.
La deuxième histoire c'est cette chevauchée fantastique vers le col de la Ramaz, sous l'orage, après avoir pourtant accompagné un groupe de cinq jeunes à vélo sur les pentes du col des Gets. Mais ce soir-là, le manque de courtoisie d'un propriétaire de chalet local, et la pluie discontinue ont eu raison de notre aventure. Le Chablais reste quand même une terre très sympathique, à mi-chemin entre moyenne et haute montagne, et vraiment dépaysante. 

Le Haut-Giffre : les Alpes deviennent montagnes

C'est toujours en 2010 que j'ai fait connaissance avec cette partie des Alpes. Le massif du Giffre, qui porte le nom de la rivière qui le traverse du nord-est au sud-ouest, est une montagne complexe. Elle s'étale des confins d'Annemasse, qui font plutôt penser à la plaine lémanique, aux balcons du désert de Platé. Si le Camp Inter-Jeunes 2010 reste marqué pour moi du sceau de l'échec de la chevauchée fantastique, il reste en mémoire pour la performance remarquable réalisée par un autre petit groupe de jeunes, partis de La Tour à l'assaut (victorieux) du Môle. Il faut dire que deux ans plus tôt quelques jeunes étaient partis escalader le site du Châtel, près de l'Obiou, au départ de Mens. Nous y reviendrons. Et depuis ce jour, où le lever de soleil s'était offert aux courageux qui avaient veillé par 2°C, à 4 heures du matin, je rêvais de prolonger le mythe. Le Môle est une montagne vigoureuse, dans la lignée du Mont Blanc depuis Genève, et les plateaux qui dominent de haut Samoëns puis Sixt-Fer-à-Cheval ne se font pas avoir aussi facilement.


Plein soleil sur Flaine Forêt
31 décembre 2013

Flaine. Cette station, je l'avais vue dans l'excellente émission "Chroniques d'en Haut", mais j'avais surtout vu le béton volontaire. Sur place, j'ai plutôt vu un cirque très encaissé, au pied des balcons, et une station qui a encore fière allure même en été. Certes les touristes ne sont pas légion et la population me semble hétéroclite. Très clairement la station a les moyens d'attirer plus de monde. Il est effectivement dommage qu'elle ait conservé depuis les années 1970 ce style massif, que le poids des années ne peut faire oublier. Les murs des façades ont vieilli, même s'ils se veulent vigoureux, presque virils. Il n'y a pas d'invitation à rester mais l'ensemble est d'une très bonne propreté. Un hôtel cinq étoiles se construit, signe de la vitalité et de la volonté, peut-être, de s'embourgeoiser. Alors Flaine, qui se découvre brutalement après avoir escaladé les vingt kilomètres du col de la Pierre-Carrée (!), se cherche un avenir. Se veut-il modeste, comme la seule vue de profil des blocs d'immeubles le laisse à penser ? Se veut-il ambitieux, à l'image de ces constructions récentes et moins massives ? L'avenir le dira, mais il y a du doute. Même l'altitude de la station, à mille sept cents mètres, ne garantit pas un enneigement naturel à tous coups suffisant.

Flaine en hiver offre un visage radicalement différent. L'espace devient plus réduit. Les rues se partagent avec les skieurs. Mais la station affiche le poids des âges, mais aussi sa modestie. Elle est comme perdue dans le temps, laissée de côté par les grandes stations assez proches, alors qu'elle en avait peut-être l'ambition. Un petit supermarché, cher, des odeurs de spécialités savoyardes, un parfum que j'ai connu il y a quelques années... Et puis beaucoup d'Anglais. Et un stationnement impossible. La station est divisée en plusieurs niveaux mais il n'est possible de stationner que pendant une heure et demie gratuitement, ainsi qu'entre 19 heures et 3 heures 30, avant de devoir débourser neuf euros par heure ! Je me suis donc retrouvé à déplacer mon véhicule à point d'heure, en hiver, sur des routes enneigées, en quête d'un parking gratuit improbable...

Plus bas en altitude, plus convivial sans doute, Les Carroz-d'Araches est une station qui n'a pas l'envergure des plus grandes. Mais est-il vraiment nécessaire, dans un massif alpin très riche, d'être sur le même plan ? Non et les Carroz ont su garder quand même une identité relative. Flaine démontre en tout cas, comme Tignes, que la vie n'a pas de sens là-bas si elle s'étale toute une année.

Le massif du Mont-Blanc : spectaculaire et enchanteur

Je n'ai effectué qu'une seule incursion dans le massif, que j'ai souvent contemplé depuis mille lieux. C'était en 1987 ! Pour le reste, je me suis contenté de le contempler d'en bas. A l'âge de cinq ans, j'ai pris mon premier train. Le Montenvers. Comme son nom l'indique, il remonte la pente à l'envers de la marche et traverse un décor improbable. Je me suis retrouvé après quelques kilomètres sur les hauteurs de la mer de Glace. J'avais une vue sur la passerelle en contrebas. Mais mon regard d'enfant de cinq ans a quelque peu disparu depuis. J'ai toutefois le souvenir d'un décor majestueux. Au même moment, ma mère, qui n'était pas avisée de la température en altitude, avait décidé d'emprunter le téléphérique de l'aiguille du Midi. Elle s'est retrouvée au restaurant panoramique, à 3 842 mètres d'altitude, en tee-shirt, par 2°C.
  

Le massif du Mont-Blanc vu du Col du Joly
12 juillet 2013 

Le Mont Blanc a de nombreux balcons. Parmi eux, Saint-Gervais-les-Bains est une station thermale réputée. Les hauteurs, au Bettex, sont un lieu de repos. Et de départ pour de nombreuses randonnées sur les environs. Je n'ai pas senti toutefois beaucoup de partage populaire dans cet environnement aseptisé, réservé au minimum aux classes moyennes. Car cette partie des Alpes est aussi réservée à une élite, riche, étrangère plus que cosmopolite. Une société qui déplace sa ville sur les pistes gavées de neige. Et qui laisse le vieux temps industriel au fond des vallées noires.

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