Ain : l'horizon à l'est
Le département de l'Ain a constitué pour moi une drôle d'expérience entre les 23 avril et 5 juillet. J'ai eu la joie d'être recruté en tant que Formateur Histoire-Géographie et Ecologie en remplacement d'un congé maternité dans une Maison Familiale Rurale. Dans cette expérience, tout a toujours paru décalé, bancal mais au final, je n'ai retiré que la joie d'avoir rencontré des jeunes volontaires, dynamiques et ambitieux ; et des adultes dans une vraie famille. Cette expérience fut donc profondément enrichissante sur le plan humain, en plus de m'avoir relancé dans la géographie. Les astres m'avaient dit que le début 2012 serait poussif mais qu'il fallait être patient.
La Maison Familiale Rurale, un esprit à part.
Une MFR est un établissement de formation par alternance, c'est-à-dire que vous êtes en face à face d'élèves de Première pendant une semaine et d'élèves de Terminale la semaine suivante. C'est une alternance pour vous, puisque vous n'êtes jamais confrontés aux mêmes élèves mais surtout pour eux, car les jeunes sont en stage pendant une semaine sur deux. Par chance, les programmes ont des parties communes.
Une MFR est un établissement de formation par alternance, c'est-à-dire que vous êtes en face à face d'élèves de Première pendant une semaine et d'élèves de Terminale la semaine suivante. C'est une alternance pour vous, puisque vous n'êtes jamais confrontés aux mêmes élèves mais surtout pour eux, car les jeunes sont en stage pendant une semaine sur deux. Par chance, les programmes ont des parties communes.
L'enseignant est appelé "Formateur" ou "Moniteur". Parmi les nombreuses missions qu'il a (je suis loin d'avoir tout vu en deux mois et demi, ou trente-deux jours effectifs), il est chargé du suivi des jeunes en stage et dans le projet d'établissement, appelé EIE (Enseignement Incitatif d'Etablissement). La partie administrative lui incombe et le formateur / moniteur est surtout chargé de l'accompagnement de l'élève tout au long de sa scolarité. Il va sans dire que, originaire d'un établissement d'enseignement général puis de l'université, je me suis trouvé complètement dépaysé au cours d'une première semaine difficile.
Le baccalauréat professionnel se déroule en plusieurs années et la notation s'effectue tant en contrôle continu (vingt en tout, dont quatorze en année de Terminale) qu'en épreuve terminale, ce qui permet d'alléger considérablement l'élève au moment de se présenter à l'examen et de diluer dans le temps la bonne dose de stress fort légitime liée à ce supplice ancestral. Le rythme est tout de même soutenu, l'élève ne décroche que rarement, car il alterne entre deux établissements en permanence et les semaines de vacances ne sont pas si étendues. J'ai donc senti des jeunes bien impliqués, avec les avantages et les défauts de la jeunesse (pensée à court terme, nécessité de bouger, tests envers les camarades et les adultes).
Le formateur est aussi et surtout accompagnateur des jeunes, de 7 heures 30 jusqu'à 21 heures 30 et parfois 23 heures lorsqu'il y a des soirées. Les jeunes effectuent les services (mise de table, nettoyage), peuvent préparer des veillées et sont donc pleinement acteurs de leur établissement, qui est leur maison, surtout s'ils sont internes. Venus de l'extérieur, j'ai vite compris que j'étais chez eux et qu'ils avaient un temps d'avance sur moi en termes de connaissance de la maison et de ses règles de vie. Je m'y étais bien sûr préparé.
Les MFR accueillent des formations BAFA pour préparer les futurs animateurs d'accueils collectifs de mineurs et l'esprit de l'animation volontaire plane au-dessus de la maison. Il y a un ou plusieurs chargés d'animation le soir, qui font le relais avec les formateurs et la direction le jour. L'esprit est donc à cheval entre un établissement d'enseignement classique, pur et dur, et un centre d'accueil de jeunes permanent. Enseignant le jour, préparant et corrigeant les examens, situé derrière son bureau, le formateur peut très bien être partenaire de jeu le soir, dans un match de football, à cheval ou au coeur d'une thèque. C'est cet esprit qui m'a beaucoup plu au sein de ce type d'établissement. Il y a un peu de Don Bosco, au travers de l'accueil, de l'attention et de la proximité avec le jeune, de l'exploitation et de la culture des talents, autant de valeurs qui me sont chères.
Crépuscule sur le Mont d'Or lyonnais - Vue depuis la MFR Domaine de la Saulsaie (Montluel)
3 juillet 2012
Pourtant, le passage du monde universitaire à celui du Baccalauréat professionnel n'a pas été simple dans la préparation des cours et dans la manière d'enseigner. Comme à mon habitude, j'avais préparé quantité de notions dans de multiples diapositives mais j'ai dû me résoudre à l'essentiel, heureusement bien aidé en cela par les dossiers laissés par la future maman que je remplaçais. Il en est ressorti une vraie frustration, dans cette fameuse première semaine mais il faut bien avouer que je ne m'étais pas préparé à donner des cours à des jeunes qui n'ont pas l'habitude de prendre des notes, c'est-à-dire d'avoir la capacité de capter et d'écrire ce qui est intéressant à retenir pour eux. Je suis donc quasiment passé de l'explication à la dictée et à la répétition, ce qui a eu pour effet de rendre la formation très directive. Comme je l'ai dit plus haut, je suis arrivé chez les jeunes et n'avait absolument pas pour mission au cours de cette pige de tout révolutionner. Il m'a fallu donc être réducteur et appuyer sur les fondamentaux. Contrairement à l'Université, l'enseignant est beaucoup plus contraint par un programme et par la responsabilité de préparer les jeunes à l'examen dont il n'a pas la charge de la préparation. De plus, il se retrouve face à un élève qui n'a pas choisi la matière qui lui est enseignée, à l'opposé des étudiants, surtout en Master.
Un îlot ouvert sur l'extérieur.
Bancal, ce l'était car je réside à quatre-vingts kilomètres et j'ai alterné durant ces deux mois et demi une double vie : complètement impliqué ou complètement à l'extérieur. Saint-Etienne et le plateau de la Dombes sont proches à l'échelle du territoire national, mais sont situés dans deux régions bien distinctes. La distance était trop importante pour pouvoir rentrer, la MFR m'a généreusement accordé le gîte et le couvert à un tarif très avantageux. Les jeunes l'ont bien compris et familier des camps de vacances depuis 2007 et opposant aux horaires stricts, cet aspect ne m'a pas perturbé le moins du monde.
L'esprit familial vient aussi du fait que la MFR est une association, avec un projet éducatif et un projet d'établissement. C'est un îlot de part sa position géographique, perchée sur un plateau dominant l'agglomération lyonnaise et en plein milieu rural (d'où son appellation). Elle est entourée de terres agricoles et chacun connaît plus ou moins les terres du voisin, donc les potentiels maîtres de stage pour les futurs agriculteurs.
Dans le fonctionnement, il y a foule de codes. Pour comprendre, il fallait que je décode la phrase suivante : YB va remplacer AC et occuper le poste en veillée marqué XX. Il est chargé des formations MG1 et MG4 et n'a pas à préparer de CCF. YB sont mes initiales, AC est la personne que je remplaçais, XX désignait son remplaçant alors inconnu, MG est Module Général (au contraire de MP : Module Professionnel) et CCF veut dire Contrôle Continu de Formation (à l'opposé du Formatif, qui n'a pas de poids sur le bac mais apparaît seulement sur le bulletin, donc moins redouté par les élèves). J'étais donc en charge de terminer l'année et de faire la transition sans avoir de note à inscrire pour le bac : mes responsabilités étaient limitées.
La MFR est donc en lien avec les autres MFR, situées un peu partout, parfois accolées, parfois à cinquante kilomètres, avec des formateurs qui se connaissent et qui tissent des liens, qui préparent les futures formations. Cela dit, la partie la plus intéressante pour le géographe, outre la formation en elle-même, se situe dans les visites de stage. J'étais certes chargé de l'évaluation des élèves dans leur première partie mais rien de tel pour partir à la découverte du département de l'Ain. Avec mon regard extérieur, ce territoire est complètement morcelé d'un point de vue géographique. Il n'y a aucune unité entre Bresse, Dombes, Bugey et Pays de Gex mais pour l'avoir bien parcouru, j'ai senti une réelle solidarité. Le territoire est presque entièrement rural et j'ai toujours été très bien accueilli, dans des milieux totalement différents. J'ai ainsi enseigné aussi bien à des jeunes en Service en Milieu Rural (SMR, classes composées de jeunes filles à 95 %), qu'à des élèves en PH (Productions Horticoles) ou PV (Productions Végétales = futurs agriculteurs), composés à 90 % de jeunes garçons qui veulent rapidement "s'installer". L'Histoire-Géographie (qui consiste essentiellement dans le programme à une description des réalités géopolitiques depuis la fin de la seconde guerre mondiale) ne les intéresse guère et là non plus je n'ai pas eu de recette miracle.
Rue du Docteur Mercier (Nantua)
27 juin 2012
Non, il n'y a rien qui crève l'écran dans ce pays traversé par des axes importants (A 40 entre Mâcon et Genève, dite Autoroute des Titans du fait de sa construction architecturale alternant tunnels et viaducs, ce qui en fait l'une des plus belles autoroutes de France ; A 42 entre Lyon et Strasbourg) mais le département varié démontre une réelle esthétique.
La préfecture, Bourg-en-Bresse, n'est absolument pas désagréable et j'ai senti les Burgiens apaisés et peu stressés. La ville n'a rien de monumental mais il fait bon flâner dans chaque rue ou presque.
Le Parc des Oiseaux de Villars-les-Dombes a été entièrement rénové et mérite de s'y attarder, même en n'étant pas spécialiste ornithologique. Le spectacle, certes mécanique et répété (trop) souvent, vaut le coup d'oeil dans un petit amphithéâtre ouvert sur l'étang principal. L'accueil est de qualité, sympathique, le parc est bien entretenu et satisfera une famille pendant au moins une demi-journée d'autant qu'il est bien équipé. Le plan est clair, il y a des explications de spécialistes tout à fait régulières et gratuites, chaque partie du parc représente un continent. Il y a des zones d'ombre rafraîchissantes.
Le bijou reste bien sûr Pérouges, bourg médiéval restauré depuis un siècle, juché sur un coteau à trente-six kilomètres de Lyon. On ne pourra qu'y regretter la présence des autos à l'intérieur du village, dont je trouve que le charme est incomparable la nuit et qu'il peut donner lieu à de formidables jeux de rôles.
La montagne, le Bugey, vaut vraiment le coup d'oeil. Mon coup de coeur va à Nantua, petite commune de trois mille six cents habitants, blottie au pied de deux falaises de calcaire qui barrent son extension, tout comme le lac du même nom. Cité de production historique de chaussures, cité de passage ensuite, la ville est vraiment belle.
A quelques kilomètres de là, Oyonnax, patrie du rugby, six fois plus peuplée, est la porte d'entrée du Jura, haut-lieu de la résistance. Le centre-ville apparaît assez chic.
C'est la porte ouverte sur le massif, aux routes improbables, aux sommets plats, aux forêts vastes, aux contrastes paysagers saisissants. Il vaut mieux d'ailleurs ne pas se tromper de route, tant les possibilités de franchir les plateaux du Jura sont rares. La Suisse est proche et voir quatre jeunes en stage dans un Village Vacances m'a rappelé de nombreux souvenirs, ceux d'une année de Maîtrise (Master 1ère année) aujourd'hui, où j'allais interviewer d'anciens maires et cheminots dans des villages perdus de l'Auvergne. Je n'ai pas eu le temps de grimper sur le Crêt de la Neige, le point culminant, c'est partie remise.


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