Des oasis dans le désert
C'est le dernier article écrit en Espagne, du moins dans le cadre du Service Volontaire Européen. Je commence à l'écrire à 70 heures de prendre le Tren Hotel à la gare de La Corogne San Cristobal. Le titre de l'article concerne plus particulièrement la dernière folie réalisée hier en Castille mais il peut aussi bien s'appliquer à l'ensemble du SVE. Depuis les lettres galiciennes et l'hommage à Lois Pereiro mais aussi à Camilo José Cela, l'été a pris ses quartiers. Comme en France, le manque d'eau s'est fait sentir, même si la Galice a reçu bien légitimement quelques gouttes de pluie et le temps pour moi s'est accéléré. Je suis désormais à un rythme qui ne devrait retomber qu'à la fin des Camps Inter-Jeunes de l'Est, le 31 juillet.
La cloche virtuelle a sonné.
Au Centro Concertado Andaina, contrairement à nos bonnes vieilles écoles françaises, il n'y a pas de cloche pour signifier le changement de matière, plus exactement l'aération de l'esprit. Ceci fait que les traditionnels patios sont difficiles à interrompre, d'autant plus lorsque deux stars sont présentes sur le terrain : le ballon de fútbol et de basket-ball. Je l'ai évoqué auparavant, ces deux objets exercent une sorte de fascination et un pouvoir difficilement contrôlable sur les élèves. A voir l'une des deux sphères, la zone cérébrale du plaisir est automatiquement activée, avec toutes les pulsions que cela entraîne. Fort légitimement, le fait malencontreux d'envoyer l'objet précieux en dehors des limites grillagées du patio met aussitôt un terme à la partie et rend les professeurs plus soulagés... Bientôt, cet espace, où se nouent nombre de discussions quotidiennes, aura fermé ses portes pour trois mois pleins. Ce sera déjà, le désert, sans oasis.
La cloche a sonné donc pour les élèves qui viennent d'achever leur dernière semaine d'évaluation. Les dernières semaines ont donc été assez stressantes, tant du côté des professeurs que du côté des élèves, puisqu'il a fallu s'organiser, réviser ou corriger, accuser réception des notes ou les attribuer. Le mois de juin ressemble donc plutôt à une course contre la montre qu'à un mois prévenant les vacances. Pour être passé par-là au baccalauréat, lors d'une certaine Coupe du monde de Football en France, je sais combien la question de l'organisation du travail est importante.
Le Collège Andaina m'a proposé de nombreuses sorties finalement, relativement courtes (je ne suis pas concerné par la sortie de deux jours avec nuit en extérieur). Depuis mon dernier article, s'est ajouté le court déplacement à Saint-Jacques de Compostelle, à l'occasion d'une seule matinée, pour visiter le Parlement de Galice, avec les élèves de 3°ESO. Au niveau régional (comparons la communauté autonome espagnole à une région administrative française), tout est petit et le plus amusant a sans doute été de voir la nécessaire flexibilité à attribuer des salles adaptées au nombre de députés élus en fonction des élections. Le Bloc Nationaliste Galicien est donc représenté mais avec la plus petite salle, par rapport au PSOE (Partido Socialista Obrero Español, Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) et au PP (Partido Popular, Parti Populaire). Depuis quelques semaines maintenant, le balai des automobiles à hauts-parleurs s'est tu, les affiches ont disparu. Il faut dire que les partis n'ont pas rivalisé d'originalité : "Para que gane tu ciudad" ou "Para que gañe á tua cidade" était le slogan du PSOE, "Preparados para gobernar / Centrados en ti" était celui du PP, enfin "Na Coruña hai futuro" était celui du BNG, forcément seulement en galicien. Il suffisait de changer de candidat et de nom de ville pour obtenir l'affiche du municipio d'à côté. Les petits partis ont fait preuve de plus de goût mais comptent bien peu dans la vie politique espagnole.
Quelle conscience citoyenne ?
J'ai senti tout au long de ce projet une vraie fracture entre les politiques (plus que les élus) et les citoyens, jeunes en particulier. Le mouvement des Indignados, dont le fief était la Puerta del Sol madrilène, est le reflet d'une société qui croit un peu au changement, dans une révolution citoyenne progressive, avec cet appel à ne pas voter pour les deux mastodontes de la politique. Il n'y a pas de couleur affichée, juste un aspect dérangeant pour le gouvernement socialiste (encore) en place et une forme de constatation d'un échec. Après y avoir vécu presque un an, je vois en cette Espagne-là un pays peut-être trop sûr de ses forces et de ses faiblesses, comme si la situation était immuable. Je revois souvent les mêmes scènes : des gens qui ont des métiers peu glorieux mais qui donnent pour s'en sortir, un besoin irrépressible de se réunir entre jeunes, en famille, de fêter les petites et les grandes occasions, un amour de vivre mais avec des illusions perdues. L'Espagne aurait-elle, du fait de son Histoire aussi riche que chaotique, un quelconque fardeau à porter ?
A 14-15 ans, les jeunes du collège se sentent peu à peu concernés, savent que leur heure va arriver aussi. Je n'ai pas senti de vent de révolte, j'ai vu seulement des jeunes aux difficultés tellement diverses, à la richesse humaine enthousiasmante, à la confiance parfois solidement ancrée. Cet âge de tous les possibles, de toutes les expérimentations, est bien fondamental. Au moins eurent-ils un peu conscience qu'il y a des gens pour les représenter en Galice, à la suite des élections et de cette visite au Parlement de Saint-Jacques de Compostelle. Je vois donc un pays qui se cherche, qui cherche un futur leader derrière son roi emblématique. La politique extérieure de José María Aznar et l'impact des attentats du 11 mars 2004 avaient entre autres sonné le glas du PP, la crise socio-économique qui frappe lourdement le pays a déjà torpillé le PSOE. Il n'y a donc pas de quoi s'abreuver dans ce désert.
A quelques jours des vacances, il y a donc un recentrage sur les fondamentaux, concentration sur les examens. Je ne saurai vous expliquer en long, en large et en travers l'alzado, la planta et le perfil qui ont rythmé les cours de Technologie. Je ne sais ce qu'il est advenu des travaux en groupe. L'emploi du temps qui m'avait été concocté ne m'a pas permis de pouvoir suivre les groupes jusqu'au bout.
L'appel du large.
Le 4 juin, j'avais décidé de travailler l'endurance dans l'optique des Camps Inter-Jeunes de l'Est qui se profilent dans un peu plus de trois semaines mais aussi de profiter d'un contexte (un peu) extérieur à La Corogne. L'occasion était donc belle à Miño, sur la route Betanzos - Ferrol, et sur la Ria de Betanzos, de profiter de la plage et du soleil. Miño est une petite ville côtière, protégée des vagues de l'océan par une falaise rocheuse de quelques mètres, lorsqu'une promenade n'est pas aménagée. Il est curieux de ne pas retrouver cette localité dans les guides touristiques puisqu'elle jouit d'un beau littoral, très propre et très intelligemment aménagé. Dans d'autres proportions, j'avais employé exactement les mêmes termes pour Gijón. Sous un soleil royal, l'occasion est belle de découvrir la très belle Grande Plage, et la plage de l'Alameda, qui s'étend presque infiniment par jour de marée basse. L'envie est donc évidente d'aller s'aventurer en territoire océanique, sans bateau, et de quitter les côtes. L'accès aux zones habituellement ennoyées permet de pénétrer sur un bon kilomètre. Je me suis toutefois retrouvé les pieds dans la boue car attiré par le bleu azur de l'océan, j'avais oublié que je me trouvais sur un terrain mouvant.
Quelques petites sueurs plus tard, j'ai gagné Insua avec le très beau pont routier sur la Ría de Betanzos, d'environ 30 mètres de haut. Le site est réellement beau, et offre le spectacle d'un espace totalement vaincu par la mer, tant la Ría de Betanzos, où coule le Río Mandeo, se fond dans l'Atlantique. Le décor laisse pourtant place à l'inquiétude, provoquée par le spectacle et la hauteur relativement élevée du pont. Le pont n'a pas été réellement conçu pour un passage à pied. Il y a certes un trottoir mais il ne dépasse pas le mètre de large, le parapet atteint tout juste un mètre, la circulation s'effectue à double sens et il s'agit d'une route nationale. Le vent rajoute à tout cela un supplément d'adrénaline. Le passage du pont sur la Ría de Betanzos, entre Insua et Pasaxe do Pedrido, restera donc comme un moment fort de ce SVE.
La beauté du site s'est peu à peu effacée ensuite, puisque j'ai quitté la zone côtière pour rentrer sur la péninsule d'Oleiros, qui sépare Sada d'un côté, de Santa Cruz (faisant face à La Corogne) de l'autre. Ce fut tout de même l'occasion, près du Pazo de Mariñan (petit palace aux jardins luxuriants) malheureusement fermé le samedi d'admirer une belle limousine toute blanche.
J'ai aligné ce jour-là vingt-cinq kilomètres à pied, soit exactement la moitié de ce que le secrétaire ferrolano du collège a accompli pour rejoindre Ferrol à San Andrés de Teixido, par le chemin du même nom. La fin du parcours m'a permis d'admirer les hauteurs de La Corogne depuis l'est.
Le dimanche, un vrai changement de décor s'est opéré. La grisaille, la brume et l'humidité m'ont rappelé que j'étais en Galice. Mon torse avait été sérieusement chauffé par le soleil la veille, il était à l'abri. J'ai retrouvé des plaisirs d'enfant grâce à la deuxième session de padel de cette année de volontariat. Le padel, venu d'Argentine, est un cousin du tennis, sans couloir, et se rapproche aussi du squash et de la pelote basque dans le sens où les cloisons peuvent être utilisées. La défense est donc plus facile, ce qui m'a bien agacé lorsque j'ai souhaité, comme au bon vieux temps, venir conclure les points au filet. Les deux heures réservées sont passées tellement vite... assez pour que dans le même temps, Rafael Nadal vienne une nouvelle fois à bout de Roger Federer à Roland-Garros, faisant dire aux Espagnols présents dans l'enceinte galicienne que le majorquin avait eu de la chance de ne pas se retrouver face à Novak Djokovic en finale. J'étais dans une bonne forme physique, puisque je n'ai absolument pas ressenti les kilomètres alignés la veille.
Il paraît que je suis famoso.
Le Volontaire Européen doit aussi s'acquitter des propositions des structures dont il dépend :
- l'association d'envoi (dans mon cas l'Association pour le Développement des Initiatives Citoyennes et Européennes ou ADICE, basée à Roubaix mais avec une antenne à Grenoble)
- la structure d'accueil (Centro Concertado Andaina)
- l'association coordinatrice (la Fondation Paideia, qui pour d'autres volontaires est aussi structure d'envoi ou d'accueil)
En début de semaine, c'est la Fondation Paideia qui m'avait convié à un double rendez-vous : une interview donnée à Radio Galega le lundi et une conférence de presse en compagnie des autres volontaires le mardi. Evidemment, participer à ce double évènement était une chance même si j'y ai participé sans aucune prétention. Dans les deux cas, il s'agissait de témoigner de l'expérience du SVE mais aussi de pouvoir s'exprimer pleinement en espagnol. La radio, c'est le contexte le plus difficile possible puisqu'il n'y a que de la communication verbale, donc pas de temps pour s'organiser. Le mardi, il y avait une petite boule à l'estomac puisque j'avais l'honneur d'être assis juste à côté de Rosalía Mera, présidente de la Fondation Paideia, réputée femme la plus riche de tout le royaume et cofondatrice d'Inditex (entre autres propriétaire de la marque de vêtements Zara). La conférence n'avait pas attiré foule de journalistes mais j'ai quand même eu l'honneur de paraître dans La Voz de Galicia, La Opinión et El Ideal Gallego. Un oasis pour moi dans un désert médiatique.
Vendredi, j'ai donné la dernière goutte à trois jeunes assoiffées. C'était l'occasion de partager un dernier cours particulier de français avec trois adolescents de 2°ESO (13 ans) : Lucas, Nicolas et Martiño. Malgré toute mon expérience des cours particuliers, celle-ci fut vraiment enrichissante. J'avais déjà défendu l'enseignement de l'espagnol et j'étais déjà intervenu dans cette langue auprès de nombreux jeunes français mais là il s'agissait de l'exercice inverse. J'ai compris pendant cette année toute l'importance que pouvait avoir la transmission du message pour l'apprentissage, au bon moment.
La Castille, une dernière envie d'ailleurs.
Sitôt cette dernière session de français achevée, je me suis lancé le dernier week-end dans un ultime voyage. J'avais écrit dans le précédent article que j'allais quitter une dernière fois la Galice, m'offrir des derniers instants de découverte de la péninsule ibérique. J'avais eu un temps l'idée de me lancer dans un projet fleuve, du type de Málaga ou de Lisbonne, mais j'ai préféré être plus raisonnable (durée et budget oblige). L'idée était de visiter Avila et Salamanque, en Castille-et-Léon mais aussi de trouver un moyen de rentrer à La Corogne le lundi matin, pour prolonger le rêve jusqu'au bout ou presque. Recherchant plutôt une aventure en solitaire, contrairement au Portugal, je devais donc opter pour les déplacements nocturnes mais Salamanque, assez mal desservie par le train, ne le permettait guère. L'une des rares options était d'associer le train et le bus, de se rendre à Cáceres et ensuite à Cadix mais avec des horaires difficiles. Faute de temps (je prépare une dernière surprise au collège... mais aussi le retour) et ne souhaitant pas mettre trop d'argent dans la balance, j'ai donc opté pour un retour à La Corogne ce dimanche matin, via... Medina del Campo. L'option était nettement moins clinquante a priori mais a finalement été la bonne compte tenu d'une condition physique bien moins fringante en cette fin de semaine par rapport à la précédente.
Avila et Salamanque faisaient quand même bien partie du programme et pour une dernière escapade, je n'ai pas été déçu. L'excitation était donc naturelle au moment d'embarquer dans le Tren Hotel pour Madrid mais avec l'arrêt à Avila, en pleine Castille, à 6 h 24 du matin, le samedi. La Renfe peut être critiquée pour sa politique tarifaire à longue distance (peu concurrentielle par rapport à l'avion... et au bus), pour la lenteur et la vétusté de ses trains à moyenne distance mais le personnel d'accueil est toujours respectueux du client. Le contrôleur m'avait promis qu'il me réveillerait au cas où, por la madrugada, et il l'a bel et bien fait, me témoignant au passage qu'avec les arrêts à horaires réguliers, il lui était impossible de dormir dans le train.
Avila, de quoi y laisser son coeur.
La Castille, c'est la structure même de l'Espagne. J'ai souvent traversé cette immense région, un peu coupée en deux par la Communauté de Madrid, la capitale, mais je ne m'y étais arrêté qu'à l'occasion d'une pause de chauffeur de bus, un jour de décembre 1995. Ce plateau, entre sept cents et mille deux cents mètres d'altitude, est un désert, plus vaste que les Causses françaises, plus aride encore. Ce paysage bleu et jaune, écrasé de soleil, a de quoi décourager les pèlerins de Compostelle, déjà bien entamés. Au petit matin, à l'heure où tout le monde dort, la vue des montagnes au loin depuis la muraille d'Avila est un moment inoubliable. Avant 7 heures, j'ai croisé quelques bandes de jeunes trop réveillés pour avoir dormi. Le botellón a fait encore ses effets et décidément je ne comprendrai jamais l'intérêt de s'enivrer jusqu'à point d'heure, en laissant une montagne de déchets dans les parcs que les employés municipaux vont ensuite nettoyer... Je ne suis pas contre l'aspect festif du partage d'un peu d'alcool et de tabac, surtout por el fin de semana mais dans l'ivresse il n'y a pas de lucidité. Autant j'avais apprécié les rassemblements populaires de jeunes à Séville, autant là, tant à Avila en ouverture qu'à Medina del Campo en clôture, j'ai l'impression qu'il n'existait que cette "solution" pour que les jeunes s'occupent, se divertissent.
Ils sont plusieurs à peindre la muraille (Avila)
11 juin 2011
Avant d'atteindre 32°C à l'ombre à Salamanque, en début d'après-midi, la température n'était que de 9°C au petit matin à Avila. Il faut mentionner ici qu'Avila (qui tire son nom d'Obila, ou mont haut, ville occupée avant les Romains par les Vétons) est la plus haute capitale de province d'Espagne, à plus de mille cents mètres d'altitude. Le relief n'a rien de montagneux et la ville est bâtie sur un ancien castro, à but évidemment défensif autrefois. Comme Lugo en Galice, Avila se distingue par sa muraille, tout aussi magnifiquement entretenue, plus haute, plus régulière, plus belle... mais dont le chemin de ronde était ce samedi inaccessible. Il y a neuf portes, toutes différentes les unes des autres, et le soleil va comme un gant à l'ocre jaune de la bête.
En plus d'être belle et originale, la ville est aussi et surtout accueillante. Elle domine la très vaste plaine de l'Adaja, affluent du Duero, qui coule vers le nord. La ville récente laisse le vieux quartier historique à l'abri derrière la muraille médiévale (Xème-XIVème siècles) pour se concentrer plus bas et la brique, omniprésente comme à Madrid, s'intègre plutôt bien dans un paysage chaleureux. Je croise deux fois un papi qui souhaite absolument me conseiller, deux jeunes qui sont mandatés par la télévision locale pour réaliser un croquis de la muraille. Avila donne vraiment l'impression, évidemment renforcée un samedi matin, d'avoir le temps et de l'offrir au passager. La ville a un authentique cachet, à taille humaine aussi (cinquante-huit habitants) et se laisse facilement découvrir.
A l'intérieur de la muraille, comme à Lugo, nombreuses sont les ruelles étroites aux enseignes d'hôtels, de petites boutiques et de tavernes. Elles se sont peu à peu ouvertes, après le passage des services de nettoyage de la voirie. J'ai profité d'un peu de temps devant moi pour faire le tour de la muraille, visiter largement le centre historique, et retrouver un oasis matérialisé par le barrage sur l'Adaja, à la voûte minuscule. L'Université Catholique s'y reflète dans ses eaux. Les cyclistes peuvent aussi, grâce aux parcours aménagés, s'en donner à coeur joie. La ville donne toujours au visiteur l'impression qu'il ne va jamais s'ennuyer.
La ville connaît un climat continental, chaud en été, surtout sec, avec seulement quatre cents millimètres de précipitations et soixante-deux jours de pluie.Si j'ai connu plus de difficultés physiques, c'est en raison de l'heure d'arrivée à Avila, très tôt (6 h 24) mais aussi du caractère écrasant du soleil (plus que de la chaleur). Les ampoules ont donc succédé aux coups de soleil.
Salamanque, une école internationale de langues.
Lorsque vous observez la situation d'Avila et de Salamanque sur la carte, vous vous rendez compte de la raison pour laquelle j'évoque le terme d'oasis. Les deux villes, plus que Medina del Campo dont le cours d'eau est à sec, se trouvent sur un affluent d'un grand fleuve, le Douro. Le Río Tormes est plus large et plus puissant à Salamanque que l'Adaja à Avila. Salamanque est un petit Madrid dans le sens où la ville peut être chaude, monumentale, avec le cours d'eau principal situé en contrebas de tout le centre historique. Carrefour de communications proche du Portugal, la cité salmantine est une vraie école internationale de langues. Dans le train, j'ai croisé une étudiante qui avait quelconque lien avec un Espagnol et qui travaillait le castillan. En Castille, le castillan est seule langue officielle et bien reconnaissable, identifiable.
Vue générale sur la Plaza Mayor (Salamanque)
11 juin 2011
J'avais choisi d'achever la visite par la zone monumentale. Ceci m'a permis de découvrir la Plaza de Toros, couverte de graffitis hostiles à la tauromachie et de flâner le long du Tormes, comparable là-bas à la Loire à Andrézieux-Bouthéon. Le soleil donnait vraiment l'impression d'écraser de toute sa puissance la ville, donnant ainsi à Salamanque des allures de Málaga, aux limites quand même bien identifiables. Comme Avila, il est aisé de sortir de Salamanque, pourtant trois fois plus peuplée, car l'extension urbaine ne s'étend pas dans un mitage mais rend clairement la place aux immenses champs jaunis qui occupent le moindre espace de terre laissé libre.
Le centre historique est somptueux, à la hauteur de Saint-Jacques de Compostelle, coloré comme celui d'Oviedo, autre référence. Comme sur la Place de l'Obradoiro en Galice, la hauteur des édifices religieux gothiques impose vraiment le respect, même si je ne peux pas parler de monument dominant par rapport à un autre. L'Université aussi est imposante, bien que séparée en plusieurs quartiers. C'est la deuxième plus ancienne Université d'Espagne, très prestigieuse, après Palencia, et une des plus anciennes du monde. De nombreux jeunes, parlant aussi bien anglais qu'allemand, déambulent dans les ruelles en quête de la célèbre Plaza Mayor, où se produisait samedi soir un groupe français. L'explication des consignes à toute l'assemblée, parfois assise simplement en tailleur, en français, a provoqué chez certaines familles des difficultés logiques de compréhension.
D'un point de vue naturel, la ville n'a pourtant rien pour attirer les jeunes mais sur ce vaste plateau, elle est le résultat d'une longue Histoire, autant glorieuse (capacité de brillance de ses étudiants, de tous temps) qu'honteuse (bastion nationaliste et fief de Franco entre 1936 et 1937). C'est peut-être ce désir d'ailleurs qui a conquis les trente mille étudiants formés là-bas chaque année, conférant un certain dynamisme à la ville, où l'on se presse pour venir se marier. Comme à Ronda, mais de manière plus accessible et un peu moins excentrique, j'ai pu assister aux quelques préparatifs d'une cérémonie de mariage. L'anglais et l'allemand sont donc majoritairement utilisés en milieu étudiant et avec le concert du groupe français, il était même possible de se demander si j'étais réellement en Espagne. Contrairement à Avila, Salamanque, Capitale Européenne de la Culture en 2002, a donné l'impression d'une ville frénétique, pressante, compte tenu de sa réputation, de l'enserrement de son quartier ancien, de la largeur des grandes avenues. Tout semble aussi converger vers le vieux Salamanque, patrimoine mondial de l'UNESCO.
Pour des raisons pratiques, j'avais donc choisi de rentrer à La Corogne via le carrefour ferroviaire de Medina del Campo. Dans cette ville de vingt mille habitants, la gare fait déjà figure de monument, même si par endroits, la ville a des allures de Narbonne. Je fais référence au quartier historique proche du Río Zapardiel, au lit complètement artificialisé et à sec. La Plaza Mayor, hier en vraie kermesse, mérite un oeil surtout à la mairie, au style si pittoresque. Le château de la Mota figure aussi parmi les monuments majeurs. Il n'en reste pas moins que je n'avais qu'un peu plus d'une heure pour pouvoir prendre des clichés inoubliables dans des conditions normales et que Medina (ville, en arabe) se visite normalement en un peu plus de temps. Medina del Campo, c'est avant tout un grand bourg d'échanges, à l'occasion de foires, avec la production de meubles, la transformation des métaux et l'industrie alimentaire. La gare est curieusement déconnectée du centre-ville, et se rejoint par l'Avenida de la Estación (l'Avenue de la Gare).
Entre le retour à la gare (23 heures) et le moment où je suis monté dans le dernier train, pour La Corogne, il s'est écoulé presque deux heures, de paix, de doutes, d'interrogations. Le guichetier est aussi surprenant d'assiduité puisqu'il s'est maintenu au poste toute la nuit... Cette fois, nul besoin de réveil, le retour était annoncé au terminus, à 8 heures, en gare de La Corogne.
Il ne me reste désormais que soixante-cinq heures dans le cadre du Projet SVE, en Espagne. Le prochain article traitera des deux derniers jours et de la despedida (un au-revoir) mais aussi de la semaine d'évaluation du projet à Sommières, en France. Ce sera donc l'occasion de tirer le bilan du projet, l'épilogue, et de regarder vers l'avenir. Je vous remercie d'avoir suivi toutes ces aventures espagnoles, depuis septembre dernier mais n'oubliez pas que le blog se poursuivra sur d'autres routes, en espérant qu'elles soient souvent teintées de rouge et de jaune.
Par ici la suite et la fin : Un épilogue (22 juin 2011)


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